Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le 21 août 2023, le caporal Alan Zimmer s’est vu signifier un Avis d’audience disciplinaire, daté du 19 juin 2023, qui comportait quatre allégations en vertu du Code de déontologie de la GRC : deux infractions présumées à l’article 7.1 pour conduite déshonorante (allégations 1 et 2), une infraction présumée à l’article 3.2 pour abus d’autorité, de pouvoir et de position (allégation 3) et une infraction présumée à l’article 8.1 pour omission de rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée (allégation 4).
À la suite du retrait des allégations 2 et 3 par l’autorité disciplinaire, il reste seulement les allégations 1 et 4.
Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits et une proposition conjointe de mesures disciplinaires pour les deux allégations restantes, qui ont été acceptés par le Comité de déontologie. L’allégation 1 a été jugée fondée, mais pas l’allégation 4.
Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : a) une rétrogradation pour une période indéterminée au grade de gendarme, à l’échelon salarial le plus élevé de ce grade, et b) l’inadmissibilité à une promotion ou à des affectations de supervision intérimaires pendant une période de 12 mois à compter de la date de la présente décision.

Contenu de la décision

Protégé A

OGCA 202333816

2024 DAD 06

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire d’une

audience disciplinaire tenue en vertu de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

Surintendant André Duval

Autorité disciplinaire de niveau III

Autorité disciplinaire

et

Caporal Alan Zimmer

Numéro de matricule 49841

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Sandra Weyand

17 juin 2024

M. Dustin Kenall et M. Eric Blenkarn, représentants de l’autorité disciplinaire

M. Sandip Khehra, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ 3

INTRODUCTION 4

ALLÉGATIONS 5

Constatation des faits 7

Décision au sujet des allégations 9

Allégation 1 9

Allégation 4 10

MESURES DISCIPLINAIRES 12

Principes juridiques applicables 12

Propositions conjointes 12

Évaluation des mesures disciplinaires 14

Analyse 15

Décision relative aux mesures disciplinaires 17

CONCLUSION 19

 

RÉSUMÉ

Le 21 août 2023, le caporal Alan Zimmer s’est vu signifier un Avis d’audience disciplinaire, daté du 19 juin 2023, qui comportait quatre allégations en vertu du Code de déontologie de la GRC : deux infractions présumées à l’article 7.1 pour conduite déshonorante (allégations 1 et 2), une infraction présumée à l’article 3.2 pour abus d’autorité, de pouvoir et de position (allégation 3) et une infraction présumée à l’article 8.1 pour omission de rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée (allégation 4).

À la suite du retrait des allégations 2 et 3 par l’autorité disciplinaire, il reste seulement les allégations 1 et 4.

Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits et une proposition conjointe de mesures disciplinaires pour les deux allégations restantes, qui ont été acceptés par le Comité de déontologie. L’allégation 1 a été jugée fondée, mais pas l’allégation 4.

Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : a) une rétrogradation pour une période indéterminée au grade de gendarme, à l’échelon salarial le plus élevé de ce grade, et b) l’inadmissibilité à une promotion ou à des affectations de supervision intérimaires pendant une période de 12 mois à compter de la date de la présente décision.

INTRODUCTION

[1] Je note que, durant ce processus disciplinaire, l’autorité disciplinaire a changé. Dans la décision, je ne ferai aucune distinction entre l’autorité disciplinaire actuelle et la précédente autorité disciplinaire et je les désignerai collectivement comme « l’autorité disciplinaire ».

[2] Le 29 mars 2023, l’autorité disciplinaire a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire portant sur cette affaire.

[3] Le 18 avril 2023, j’ai été nommée au Comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[4] Le 21 août 2023, le caporal Alan Zimmer s’est vu signifier un Avis d’audience disciplinaire, daté du 19 juillet 2023, qui comportait quatre allégations en vertu du Code de déontologie de la GRC : deux allégations de conduite déshonorante en contravention à l’article 7.1, une allégation d’abus d’autorité, de pouvoir et de position en contravention à l’article 3.2 et une allégation d’omission de rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions, du déroulement d’enquêtes et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie en contravention à l’article 8.1.

[5] Le 6 novembre et le 7 décembre 2023, en conformité avec le paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, le caporal Zimmer a fourni sa réponse aux allégations, admettant l’allégation 1 avec certaines explications et réfutant les trois autres allégations.

[6] Le 26 mars 2024, les parties ont fait savoir qu’elles étaient parvenues à un accord sur les faits et les mesures disciplinaires.

[7] Le 3 avril 2024, les parties ont demandé que j’exerce mon pouvoir en vertu des paragraphes 23(1) et 24(1) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 pour rendre ma décision en me basant uniquement sur le dossier, sous réserve de toute question faisant surface dans mon examen de l’exposé conjoint des faits, de la proposition conjointe, des observations écrites et de la preuve documentaire à l’appui, lesquels m’ont été présentés le 8 mai 2024.

[8] Dans les observations des parties du 8 mai 2024, l’allégation 2 (conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie) et l’allégation 3 (abus d’autorité, de pouvoir et de position en contravention à l’article 3.2 du Code de déontologie) ont été retirées à la demande de l’autorité disciplinaire. Le détail 16, qui fait partie de l’allégation 4, a aussi été retiré à la demande de l’autorité disciplinaire. Les allégations qui restent devant moi sont donc les allégations 1 et 4, sauf le détail 16.

[9] À la suite de mon examen des documents, j’ai écrit aux parties le 14 mai 2024 pour discuter de points à clarifier dans les faits convenus et les mesures proposées. Les parties ont subséquemment déposé leur exposé conjoint des faits, leur proposition conjointe et la preuve documentaire à l’appui définitifs le 21 mai 2024.

[10] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’allégation 1 est fondée, mais que l’allégation 4 ne l’est pas. De plus, j’accepte la proposition conjointe de mesures disciplinaires : a) une rétrogradation pour une période indéterminée au grade de gendarme, à l’échelon salarial le plus élevé de ce grade, et b) l’inadmissibilité à une promotion ou à des affectations de supervision intérimaires pendant une période de 12 mois à compter de la date de la présente décision.

ALLÉGATIONS

[11] Comme les allégations 2 et 3 ont été retirées, je ne traiterai que des allégations restantes et de leurs détails. Les allégations 1 et 4 sont énoncées dans l’Avis d’audience disciplinaire comme suit.

Détails communs à toutes les allégations :

1. Au moment des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Vous étiez un membre du Groupe de travail régional de Cornwall affecté à l’équipe d’intervention rapide/marine située au Détachement de Cornwall dans la Division O, dans la province de l’Ontario. Vous aviez le grade de caporal.

Allégation 1 : Vers le 24 janvier 2022, aux alentours de la ville de Cornwall, dans la province de l’Ontario, le caporal Alan Zimmer s’est conduit d’une manière susceptible de discréditer la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Détails

2. Le 24 janvier 2022, vous étiez en service au Détachement de Cornwall. Vous avez quitté le Détachement de Cornwall à 12 h 14 min 50 s par le portail de sortie des véhicules ouest. Vous vous êtes rendu à l’épicerie James and Jenn’s No-Frills (épicerie No-Frills) au 1380, 2e Rue Est, à Cornwall, en Ontario, à 12 h 35 min. Vous portiez un masque noir, une tuque noire et un chandail à capuchon noir orné du logo « carhartt » en lettres blanches sur le devant.

3. Vous avez mis divers articles dans votre panier. Vous avez aussi pris un rouleau d’autocollants de réduction de prix à la boulangerie de l’épicerie. Ces autocollants, une fois apposés sur des articles de cette épicerie, réduisent leur prix de détail. Vous avez réduit le prix des articles dans votre panier en y apposant ces autocollants de réduction de prix.

4. Le propriétaire de l’épicerie, [J.G], est venu vous voir et a confirmé que les articles dans votre panier portaient des autocollants de réduction de prix indûment appliqués et que ces articles n’étaient pas admissibles à une réduction de prix en épicerie. Vous avez admis avoir collé des autocollants sur des articles dont le prix n’aurait pas dû être réduit.

5. [J.G.] vous a demandé de quitter l’épicerie et vous a informé que vous ne pouviez plus venir y faire vos achats. Vous avez laissé votre panier et êtes sorti.

6. Vous n’aviez pas le pouvoir de réduire le prix des articles dans votre panier. Vos gestes, à savoir l’application des autocollants de réduction de prix, visaient à frauder l’épicerie No-Frills, c’est-à-dire à éviter de payer le plein prix de détail des articles.

7. En commettant les gestes susmentionnés, vous avez contrevenu à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

[…]

Allégation 4 : Vers le 2 et le 3 avril 2022, aux alentours de la ville de Cornwall, dans la province de l’Ontario, le caporal Alan Zimmer a omis de rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions, du déroulement d’enquêtes et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie en contravention à l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC.

Détails

16. [retiré]

17. Le 3 avril 2022, vous étiez en service au Détachement de Cornwall. Vous avez quitté le Détachement sans autorisation alors que vous étiez en service afin d’assister à un match de basketball de votre fille à Ottawa, à l’école secondaire AY Jackson, de 14 h 30 à 16 h 15. Vous n’aviez pas l’autorisation d’assister à ce match de basketball ou de quitter le Détachement pendant votre quart. Vous avez quitté le Détachement sans prévenir.

18. En commettant les gestes susmentionnés, vous avez contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC.

[la version originale contenait des erreurs]

Constatation des faits

[12] Comme je l’ai mentionné, le 21 mai 2024, j’ai reçu des parties l’exposé conjoint des faits, la proposition conjointe de mesures disciplinaires et les observations écrites définitifs avec la preuve documentaire à l’appui. L’exposé conjoint des faits a été signé par le caporal Zimmer et représente ses aveux de ces faits, qui sont les suivants :

  1. Au moment des faits, le caporal Zimmer était un membre [de la GRC] affecté au Groupe de travail régional de Cornwall, au sein de l’équipe d’intervention rapide/marine située au Détachement de Cornwall dans la Division O, dans la province de l’Ontario.
  2. Le 24 janvier 2022, le caporal Zimmer était en service au Détachement de Cornwall. Il a quitté le Détachement de Cornwall à 12 h 14 min 50 s par le portail de sortie des véhicules ouest. Il s’est rendu à [l’épicerie No- Frills] située au 1380, 2e Rue Est, à Cornwall, en Ontario, à 12 h 35 min. Il portait un masque noir, une tuque noire et un chandail à capuchon noir orné du logo « Carhartt » en lettres blanches sur le devant.
  3. Le caporal Zimmer a mis divers articles dans son panier. Il a aussi pris un rouleau d’autocollants de réduction de prix à la boulangerie de l’épicerie. Ces autocollants, une fois apposés sur des articles de cette épicerie, réduisent leur prix de détail. Il a réduit le prix des articles dans son panier en y apposant ces autocollants de réduction de prix.
  4. Le propriétaire de l’épicerie, [J.G], est venu voir le caporal Zimmer et a confirmé que les articles dans son panier portaient des autocollants de réduction de prix indûment appliqués et que ces articles n’étaient pas admissibles à une réduction de prix en épicerie. Le caporal Zimmer a admis avoir collé des autocollants sur des articles dont le prix n’aurait pas dû être réduit.
  5. [J.G.] a demandé au caporal Zimmer de quitter l’épicerie. Le caporal Zimmer a laissé son panier et est sorti. Il est retourné à l’épicerie le 2 avril 2022 sans d’abord s’excuser ni demander la permission.
  6. Le caporal Zimmer n’avait pas le pouvoir de réduire le prix des articles dans son panier. Ses gestes, à savoir l’application des autocollants de réduction de prix, visaient à frauder l’épicerie No-Frills, c’est-à-dire à éviter de payer le plein prix de détail des articles.
  7. En commettant les gestes susmentionnés le 24 janvier 2022, le caporal Alan Zimmer s’est conduit d’une manière susceptible de discréditer la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.
  8. Le 3 avril 2022, le caporal Zimmer était en service au Détachement de Cornwall. Il a quitté le Détachement sans autorisation alors qu’il était en service afin d’assister à un match de basketball de sa fille à Ottawa, à l’école secondaire AY Jackson, de 14 h 30 à 16 h 15. Il n’avait pas l’autorisation d’assister à ce match de basketball ou de quitter le Détachement pendant son quart. Il a quitté le Détachement sans prévenir.
  9. En commettant les gestes susmentionnés, le caporal Zimmer a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC.

[la version originale contenait des erreurs]

[13] J’ai examiné attentivement l’exposé conjoint des faits et j’ai déterminé qu’il reflète avec exactitude les documents pertinents dans le dossier devant moi, à l’exception du paragraphe 9 de l’exposé conjoint des faits, comme je l’expliquerai plus loin dans mon analyse. Par conséquent, j’adopte l’exposé conjoint des faits, sauf le paragraphe 9, comme mes conclusions de fait.

Décision au sujet des allégations

Allégation 1

[14] L’article 7.1 du Code de déontologie exige que les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[15] En vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir les éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. l’identité du membre visé;
  2. le ou les gestes constituant la conduite alléguée;
  3. si une personne raisonnable dans la société, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et de la GRC en particulier, serait d’avis que le comportement est déshonorant;
  4. si la conduite est suffisamment liée aux devoirs et fonctions du membre visé pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[16] L’identité du caporal Zimmer n’est pas contestée. Le premier élément du critère juridique est donc rempli.

[17] Le caporal Zimmer a admis s’être rendu à l’épicerie No-Frills et avoir collé des autocollants de réduction de prix sur des articles dans son panier, même si les articles n’étaient pas admissibles à une réduction en épicerie. Par conséquent, le deuxième élément du critère, les gestes constituant la conduite alléguée, est aussi satisfait.

[18] Le caporal Zimmer a aussi admis que ses gestes avaient pour but de frauder l’épicerie No- Frills. Une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, conclurait que la tentative de fraude est déshonorante. Par conséquent, le troisième élément du critère est rempli.

[19] Enfin, puisque les policiers doivent se comporter avec honnêteté et intégrité et que le caporal Zimmer peut être appelé à participer à des enquêtes sur des affaires de fraude ou de vol, ses gestes sont clairement liés à ses devoirs et la Gendarmerie a un intérêt à lui imposer des mesures disciplinaires. Je note aussi que le caporal Zimmer était en service au moment de sa tentative de fraude à l’épicerie No-Frills, ce qui renforce le lien entre ses gestes et son emploi. Le quatrième élément du critère est donc rempli.

[20] Par conséquent, je conclus que le caporal Zimmer s’est comporté d’une manière susceptible de discréditer la Gendarmerie. L’allégation 1 est donc fondée.

Allégation 4

[21] L’article 8.1 du Code de déontologie précise que les membres « rendent compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de leurs responsabilités, de l’exercice de leurs fonctions, du déroulement d’enquêtes, des agissements des autres employés et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie ».

[22] En vertu de l’article 8.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir les éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. l’identité du membre visé;
  2. la déclaration ou le compte rendu des gestes en question;
  3. si la déclaration ou le compte rendu était faux, trompeur ou erroné;
  4. si le membre :
    1. savait que les déclarations étaient fausses, trompeuses ou erronées;
    2. s’est montré insouciant à l’égard de la validité des déclarations.

[23] L’identité du caporal Zimmer n’est pas contestée. Le premier élément du critère juridique est donc rempli.

[24] Le caporal Zimmer a aussi admis avoir assisté au match de basketball de sa fille, pendant qu’il était en service, sans prévenir qu’il quittait le Détachement et sans avoir la permission de le faire.

[25] Cela dit, la preuve au dossier ne montre pas que le caporal Zimmer ait fait une fausse déclaration concernant ses allées et venues le 3 avril 2022, ce qui me permettrait de conclure que l’allégation aux termes de l’article 8.1 du Code de déontologie est fondée.

[26] Le seul compte tendu du 3 avril 2022 est un registre soumis par le caporal Zimmer qui montre son horaire de travail. Aucun élément de preuve au dossier n’indique qu’il a soumis une déclaration dans laquelle il était malhonnête quant à ses allées et venues ou à son horaire de travail ce jour-là. Même s’il n’est pas resté au Détachement comme il était censé le faire, le caporal Zimmer a présenté son horaire de travail correctement. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il a fait un faux compte rendu ou une fausse déclaration.

[27] Le caporal Zimmer admet s’être absenté du service sans autorisation. Le comportement correspond à une contravention à l’article 4.1 du Code de déontologie. Cependant, étant donné le libellé de la violation aux termes de l’article 8.1 du Code de déontologie dans l’Avis d’audience disciplinaire, je dois appliquer le critère juridique pour cet article. Malgré les aveux du caporal Zimmer, l’autorité disciplinaire ne m’a pas convaincue que les éléments de ce critère sont satisfaits.

[28] Compte tenu de l’analyse qui précède, le deuxième et le troisième éléments du critère en vertu de l’article 8.1 du Code de déontologie ne sont pas satisfaits. Je n’ai donc pas besoin d’appliquer les éléments restants du critère.

[29] Ainsi, je conclus que l’allégation 4 n’est pas fondée.

MESURES DISCIPLINAIRES

[30] Comme j’ai conclu que l’allégation 1 était fondée, je suis tenue, en vertu du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, d’imposer au moins l’une des mesures disciplinaires qui y sont énoncées.

[31] Les parties m’ont présenté une proposition conjointe de mesures disciplinaires, signée par le caporal Zimmer et l’autorité disciplinaire. Elles ont aussi déposé de brèves observations écrites détaillant comment les cinq principes fondamentaux établis dans le Rapport final de la phase 1[1] appuyaient les mesures disciplinaires proposées, avec les facteurs aggravants et atténuants convenus et la preuve documentaire à l’appui. Les parties proposent les mesures disciplinaires suivantes :

  1. une rétrogradation pour une période indéterminée au grade de gendarme, à l’échelon salarial le plus élevé de ce grade;
  2. l’inadmissibilité à une promotion ou à des affectations de supervision intérimaires pendant une période de 12 mois à compter de la date de la présente décision.

Principes juridiques applicables

Propositions conjointes

[32] Lorsqu’un comité de déontologie reçoit une proposition conjointe de mesures disciplinaires, les circonstances dans lesquelles il peut refuser d’accepter les mesures proposées sont très limitées. La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions de règlement et prévoit que selon le critère de l’intérêt public, « un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public »[2].

[33] Le critère de l’intérêt public est strict. Il a été adopté par d’autres organes disciplinaires professionnels[3] et appliqué dans plusieurs décisions disciplinaires récentes au sein de la GRC. Plus précisément, un comité de déontologie est tenu d’examiner sérieusement une recommandation conjointe à moins qu’elle soit inadéquate, déraisonnable ou contraire à l’intérêt public. En outre, lorsqu’il s’écarte d’une recommandation conjointe, un comité de déontologie doit également donner des raisons convaincantes afin d’expliquer pourquoi la recommandation n’est pas appropriée.

[34] Comme l’a fait le comité de déontologie dans Deroche[4], je note également ce qui suit :

[103] L’acceptation d’une proposition conjointe par un comité de déontologie ne peut être considérée comme son approbation des mesures proposées comme étant celles qui servent le mieux les intérêts du public. Elle reflète plutôt un compromis qui ne porte pas atteinte à l’intérêt public. Par conséquent, même si les décisions antérieures du comité de déontologie peuvent donner une indication d’une gamme acceptable de mesures disciplinaires pour une catégorie d’inconduite, elles m’aident peu dans mon analyse [...][5]

[35] De même, les mesures disciplinaires établies dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014) donnent simplement une indication de mesures convenables. Elles ne sont pas déterminantes et n’apportent qu’une aide limitée pour évaluer si l’intérêt public est suffisant.

[36] Afin de déterminer si les mesures disciplinaires proposées par les parties sont contraires à l’intérêt public, je commencerai mon analyse en appliquant les cinq principes fondamentaux qui guident l’évaluation d’une mesure disciplinaire appropriée, établis dans le Rapport final de la phase 1.

Évaluation des mesures disciplinaires

[37] Le premier principe fondamental stipule qu’une mesure disciplinaire doit pleinement « obéir aux objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires de la police », ce qui exige d’atteindre un équilibre entre quatre intérêts : l’intérêt du public, l’intérêt de la GRC en tant qu’employeur, l’intérêt du membre visé à être traité équitablement et l’intérêt des parties touchées par l’inconduite, le cas échéant[6].

[38] Les alinéas 36.2b) et c) de la Loi sur la GRC prévoient l’établissement d’un code de déontologie qui met l’accent sur l’importance de maintenir la confiance du public et renforce les normes de conduite élevées que les membres [de la GRC] sont censés observer. Ils établissent aussi la responsabilité et la responsabilisation des membres pour ce qui est de promouvoir et de maintenir la bonne conduite au sein de la Gendarmerie.

[39] La Cour suprême du Canada a souligné l’importance de l’intérêt public en déclarant que « [l]es organismes disciplinaires ont pour objectifs de protéger le public, de réglementer leur profession respective et de préserver la confiance du public envers ces professions […] »[7].

[40] Le deuxième et le troisième principes prévoient que les mesures correctives doivent prévaloir, s’il y a lieu, et que la présomption voulant que la mesure la moins sévère soit retenue doit être imposée[8]. Ces principes sont reflétés à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, qui exige que les mesures disciplinaires soient adaptées à la nature et aux circonstances de chaque cas et, s’il y a lieu, qu’elles soient éducatives et correctives plutôt que punitives. Toutefois, ces deux principes seront écartés si l’intérêt public ou d’autres considérations, telles que la gravité de l’inconduite, prévalent.

[41] Le quatrième principe est que les mesures disciplinaires imposées doivent être proportionnelles à la nature et aux circonstances de l’infraction. Le comité de déontologie doit relever les considérations pertinentes relatives à la proportionnalité, examiner si ces considérations sont soit atténuantes soit aggravantes, soit neutres, et trouver un juste équilibre entre elles compte tenu des circonstances du cas et des quatre objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires de la police[9].

[42] Le cinquième principe est que l’on s’attend à ce que les policiers respectent une norme plus rigoureuse[10].

Analyse

[43] Le Guide des mesures disciplinaires (novembre 2014), bien qu’il ne soit pas normatif, vise à promouvoir la parité des sanctions. Il est une référence utile pour déterminer la gamme appropriée de sanctions pour une certaine catégorie de comportements.

[44] Plus précisément, pour une infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie, la gamme des mesures disciplinaires va du congédiement pour les cas graves (gestes planifiés et délibérés ou gestes mettant en cause une grande valeur monétaire) à la suppression de 30 jours de paye pour les cas mineurs. Je note que dans la gamme normale de mesures, le congédiement peut aussi être approprié.

[45] Dans leur proposition conjointe, les parties ont avancé que les gestes du caporal Zimmer sont graves et témoignent d’un manque de jugement et d’une incapacité à se comporter en leader. Elles soutiennent qu’une rétrogradation est une sanction appropriée dans la gamme normale des mesures disciplinaires. Selon elles, la rétrogradation est la sanction la plus grave, outre le congédiement, et constitue une mesure de substitution appropriée au congédiement[11].

[46] En soutien à leur proposition, les parties ont indiqué cinq facteurs de proportionnalité qui pourraient atténuer la sanction :

  1. les aveux du caporal Zimmer ont évité une audience litigieuse. Cela évite aussi à plusieurs témoins de se déplacer pour témoigner et à la Gendarmerie d’engager des dépenses, et démontre la volonté du caporal Zimmer de régler cette affaire rapidement;
  2. le caporal Zimmer a admis les faits des allégations 1 et 4 et a reconnu son inconduite;
  3. le caporal Zimmer s’est excusé par écrit au propriétaire de l’épicerie No-Frills, J.G., et celui-ci s’est dit reconnaissant des excuses;
  4. le caporal Zimmer s’est joint à la Gendarmerie le 20 janvier 2003 et a accumulé une vingtaine d’années de service sans autres problèmes disciplinaires[12];
  5. le caporal Zimmer bénéficie du soutien de son sergent d’état-major, qui a fourni une lettre, datée du 4 octobre 2023, pour décrire l’efficacité du caporal Zimmer dans les affectations tactiques et sa confiance en lui dans les affaires relatives aux responsabilités professionnelles, ce qui appuie la conclusion selon laquelle le caporal Zimmer peut encore servir avec intégrité et apporter de la valeur à la Gendarmerie[13].

[47] Je reconnais que le caporal Zimmer a admis les allégations restantes et a coopéré tout au long du processus d’audience disciplinaire, ce qui évite une audience litigieuse et évite aux témoins de se déplacer pour témoigner, mais j’estime qu’il s’agit là d’un facteur neutre.

[48] En ce qui concerne l’acceptation de la responsabilité du caporal Zimmer, je note qu’il a exprimé des remords et qu’il a reconnu la gravité de ses gestes dès le début du processus disciplinaire. À mon avis, voilà un important facteur atténuant.

[49] Je retiens aussi les 20 années de service du caporal Zimmer sans autres mesures disciplinaires comme un facteur atténuant. En outre, j’accorde un poids important à l’évaluation, par son sergent d’état-major, de son potentiel de réhabilitation et de la reconnaissance de la valeur qu’il peut encore apporter à la Gendarmerie.

[50] Enfin, j’accepte les excuses que le caporal Zimmer a fournies au propriétaire de l’épicerie No-Frills comme un facteur atténuant.

[51] En ce qui concerne les considérations aggravantes pertinentes relatives à la proportionnalité, les parties avancent ce qui suit :

  1. le caporal Zimmer occupe un poste de supervision et est tenu de servir de modèle à ses subordonnés;
  2. l’inconduite du caporal Zimmer a eu un impact négatif sur les employés et le propriétaire de l’épicerie No-Frills, qui ont dû le confronter pour qu’il mette fin à ses agissements et quitte le magasin;
  3. le caporal Zimmer a commis son inconduite pendant qu’il était en service;
  4. l’inconduite du caporal Zimmer était grave et constituait un abus de confiance. En outre, la confiance est un attribut fondamental d’un policier, car il possède des pouvoirs supérieurs à ceux d’une personne ordinaire.

[52] Je reconnais que tous les facteurs qui précèdent sont aggravants. En outre, je tiens à souligner que je considère la gravité de la conduite et les responsabilités du caporal Zimmer dans un rôle de supervision comme des facteurs aggravants importants.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[53] Lorsque j’essaie de trouver un juste équilibre entre les quatre objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires de la police et mon analyse des facteurs de proportionnalité applicables, je conclus que les mesures disciplinaires proposées servent d’avertissement équitable et rappellent aux autres membres leur obligation de se conduire d’une manière qui n’est pas déshonorante.

[54] Je conclus que l’intérêt public est servi. Le caporal Zimmer se voit imposer des mesures disciplinaires à la suite de ses gestes. Il perd son grade de sous-officier. Il est inadmissible à des postes intérimaires ou de supervision pendant une période de 12 mois à compter de la date de la décision et reçoit une importante pénalité financière (perte de futur salaire) comme conséquence de sa rétrogradation. La décision dans ce cas sera rendue publique pour démontrer que la GRC ne tolère pas les gestes malhonnêtes, surtout les gestes qui correspondent à une tentative de fraude; cette décision maintient également la confiance du public et l’obligation de rendre des comptes.

[55] Les intérêts de la GRC sont servis, puisque le caporal Zimmer sera rétrogradé au grade de gendarme. La rétrogradation est l’une des mesures disponibles les plus sérieuses, outre le congédiement. Cela envoie un message fort de dissuasion générale dans la Gendarmerie, indiquant que les gestes malhonnêtes ou les conduites correspondant à une tentative de fraude ne sont pas tolérés et donneront lieu à de graves répercussions.

[56] Le caporal Zimmer est traité équitablement par l’imposition des mesures disciplinaires. Il a été représenté par un avocat compétent tout au long de ces procédures, et les mesures proposées ont été acceptées conjointement par les parties durant les discussions au sujet du règlement. Je n’ai aucune raison de croire que le règlement est inéquitable pour le caporal Zimmer, qui a signé l’exposé conjoint des faits et la proposition conjointe de mesures disciplinaires.

[57] Les intérêts des autres personnes touchées ont aussi été abordés, le propriétaire de l’épicerie No-Frills ayant reçu une lettre d’excuses du caporal Zimmer le 16 mai 2024. Le propriétaire de l’épicerie No-Frills a fait savoir que les excuses ont été bien accueillies et il a dit qu’il les appréciait quand le caporal Zimmer les lui a présentées. Il a aussi affirmé qu’il était heureux que l’affaire se règle sans audience.

[58] La proposition conjointe reconnaît qu’une norme de conduite plus élevée s’applique à un policier. Même si aucune accusation criminelle n’a été déposée et que la tentative de fraude avec les autocollants de réduction de prix n’a pas abouti, le caporal Zimmer perdra son grade de sous- officier et redeviendra gendarme.

[59] Je suis d’accord avec l’évaluation des parties voulant que les mesures proposées soient correctives et appartiennent à la gamme prévue dans le Guide des mesures disciplinaires (novembre 2014).

[60] La présomption voulant que la mesure la moins sévère soit retenue est satisfaite. Je conclus que la rétrogradation et la période d’inadmissibilité à une promotion sont proportionnelles aux gestes du caporal Zimmer. Ces mesures ne sont ni insignifiantes ni punitives, répondent aux attentes comme moyens de dissuasion spécifiques et généraux et tiennent le caporal Zimmer responsable de ses gestes.

[61] Compte tenu de ce qui précède, je ne conclus pas que l’acceptation de la proposition conjointe serait jugée intolérable et entraînerait la perte de la confiance du public dans le processus disciplinaire de la GRC[14]. Par conséquent, je conclus que la proposition conjointe n’est pas contraire à l’intérêt public et n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. J’accepte donc les mesures disciplinaires proposées et j’impose par les présentes ce qui suit :

  1. une rétrogradation pour une période indéterminée au grade de gendarme, à l’échelon salarial le plus élevé de ce grade;
  2. l’inadmissibilité à une promotion ou à des affectations de supervision intérimaires pendant une période de 12 mois à compter de la date de la présente décision.

CONCLUSION

[62] L’allégation 4 n’est pas fondée.

[63] L’allégation 1 est fondée et les mesures disciplinaires susmentionnées sont imposées.

[64] En acceptant la proposition conjointe, je donne au caporal Zimmer la chance de continuer sa carrière à la GRC. Ce faisant, je suis convaincue qu’il respectera les normes établies par le Code de déontologie et les valeurs fondamentales de la GRC. Toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée et pourrait mener à son congédiement de la Gendarmerie.

[65] Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée dans les plus brefs délais, conformément à l’alinéa 23(1)b) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[66] La présente constitue ma décision écrite, telle que l’exige le paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC. L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

17 juin 2024

Sandra Weyand

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] Ceyssens, Paul et Childs, Scott, Rapport à la Gendarmerie royale du Canada Phase I – Rapport final concernant les mesures disciplinaires et l’imposition de mesures disciplinaires en cas d’inconduite à caractère sexuel au titre de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, 24 février 2022 [Rapport final de la phase 1].

[2] R. c. Anthony‑Cook, 2016 CSC 43, au paragraphe 32.

[3] Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19.

[4] Commandant de la Division K et Gendarme Ryan Deroche, 2022 DARD 13 [Deroche].

[5] Commandant de la Division K et Gendarme Ryan Deroche, 2022 DARD 13, au paragraphe 103.

[6] Rapport final de la phase 1, pages 17 à 19.

[7] Law Society of Saskatchewan c Abrametz, 2022 CSC 29, au paragraphe 53.

[8] Rapport final de la phase 1, pages 19 à 21.

[9] Rapport final de la phase 1, page 21.

[10] Rapport final de la phase 1, page 22.

[11] Proposition conjointe de mesures disciplinaires (révisée en fonction des commentaires du comité), page 7.

[12] Rapport d’enquête final, annexe 57 : information sur le profil d’employé du caporal Zimmer.

[13] Lettre datée du 4 octobre 2023 du sergent d’état-major Darwin Tetreault.

[14] R. c. Albert, 2022 QCCS 3934, au paragraphe 60.

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