Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le 16 mars 2023, le sergent Duc Nguyen s’est vu signifier un Avis d’audience disciplinaire daté du 7 février 2023. Cet avis contenait une infraction présumée à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC. Le sergent Nguyen aurait harcelé sexuellement une autre membre et lui aurait fait des commentaires de nature sexuelle grossiers et inappropriés.
Le 8 mars 2024, après avoir entendu cinq témoins, y compris le sergent Nguyen, le Comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée.
Le 19 mars 2024, le Comité de déontologie a entendu les observations au sujet des mesures disciplinaires. Par la suite, le 20 mars 2024, il a ordonné la rétrogradation pour une période indéterminée du sergent Nguyen au grade de caporal sans possibilité de promotion pendant une période de deux ans.

Contenu de la décision

Protégé A

OGCA 202233827

2024 DAD 05

Ordonnance de non-publication : Il est interdit de publier, de diffuser ou de transmettre de quelque façon que ce soit toute information qui pourrait servir à identifier la plaignante, la gendarme R.M., ou l’un des témoins, le sergent S.H.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire d’une

audience disciplinaire tenue en vertu de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

Autorité disciplinaire désignée, Division « E »

Autorité disciplinaire

et

le sergent Duc Nguyen

Numéro de matricule 51148

Membre visé


 

Décision du Comité de déontologie

Sandra Weyand

4 juin 2024

Mme Sabine Georges et Mme Janice Calzavara, représentantes de l’autorité disciplinaire

M. Peter Thorning, représentant du membre visé


Table des matières

RÉSUMÉ 3

INTRODUCTION 4

Ordonnances de non-publication 5

ALLÉGATION 5

Exposé conjoint des faits 7

Définition du harcèlement sexuel 8

Critère applicable 10

Décision au sujet de l’allégation 11

Est-ce que l’identité du membre a été bien établie? 11

Est-ce que les gestes se sont produits tels qu’ils sont allégués? 11

Les gestes correspondent-ils à du harcèlement sexuel? 25

MESURES DISCIPLINAIRES 31

Positions des parties 33

Observations des représentantes de l’autorité disciplinaire 33

Observations du représentant du membre visé 35

Décision relative aux mesures disciplinaires 39

Gamme des mesures disciplinaires 39

Facteurs atténuants 40

Facteurs aggravants 43

Analyse 44

CONCLUSION 46

 

RÉSUMÉ

Le 16 mars 2023, le sergent Duc Nguyen s’est vu signifier un Avis d’audience disciplinaire daté du 7 février 2023. Cet avis contenait une infraction présumée à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC. Le sergent Nguyen aurait harcelé sexuellement une autre membre et lui aurait fait des commentaires de nature sexuelle grossiers et inappropriés.

Le 8 mars 2024, après avoir entendu cinq témoins, y compris le sergent Nguyen, le Comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée.

Le 19 mars 2024, le Comité de déontologie a entendu les observations au sujet des mesures disciplinaires. Par la suite, le 20 mars 2024, il a ordonné la rétrogradation pour une période indéterminée du sergent Nguyen au grade de caporal sans possibilité de promotion pendant une période de deux ans.

INTRODUCTION

[1] Le 8 septembre 2022, l’autorité disciplinaire a signé un Avis à l’officier désigné pour demander l’ouverture d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 9 septembre 2022, Mme Christine Sakiris a été nommée au Comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[2] Le 16 mars 2023, le sergent Duc Nguyen s’est vu signifier un Avis d’audience disciplinaire daté du 7 février 2023 avec le dossier de l’enquête. L’Avis d’audience disciplinaire contient une allégation de harcèlement sexuel et de commentaires inappropriés de nature sexuelle en contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC.

[3] Le 20 mars 2023, à la suite de changements administratifs, j’ai été nommée au Comité de déontologie dans cette affaire conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC.

[4] Le 2 mai 2023, le sergent Nguyen a fourni une réponse partielle à l’Avis d’audience disciplinaire, aux termes du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Le 12 mai 2023, il a présenté des observations supplémentaires.

[5] Le 22 novembre 2023, les parties ont fourni un exposé conjoint des faits et une liste conjointe de témoins.

[6] Le 16 juillet 2024, j’ai fourni la Détermination des faits établis.

[7] Du 4 au 8 mars 2024, l’audience disciplinaire a eu lieu en personne à Toronto, en Ontario. J’ai entendu des témoignages de cinq témoins, dont le sergent Nguyen.

[8] Le 8 mars 2024, j’ai rendu ma décision de vive voix concernant l’allégation, dans laquelle j’ai conclu que l’allégation était fondée selon la prépondérance des probabilités.

[9] La phase relative aux mesures disciplinaires s’est tenue virtuellement. Le 19 mars 2024, j’ai entendu les observations des parties. Le 20 mars 2024, j’ai rendu ma décision de vive voix concernant les mesures disciplinaires, imposant une rétrogradation pour une période indéterminée au grade de caporal sans possibilité de promotion pendant une période de deux ans à partir de la date de ma décision orale.

[10] La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

Ordonnances de non-publication

[11] Le 4 mars 2024, au début de l’audience disciplinaire, j’ai rendu une ordonnance de non- publication de l’identité de la plaignante, conformément à l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC. Par conséquent, il est interdit de publier, de diffuser ou de transmettre de quelque façon que ce soit toute information pouvant servir à identifier la plaignante, qui est appelée la gendarme R.M. dans la présente décision.

[12] Le même jour, j’ai aussi rendu une ordonnance restreignant la publication de l’identité de l’un des témoins. Par conséquent, il est interdit de publier, de diffuser ou de transmettre de quelque façon que ce soit toute information pouvant servir à identifier le témoin en question, qui est appelé le sergent S.H. dans la présente décision.

ALLÉGATION

[13] Les allégations énoncées dans l’Avis d’audience disciplinaire sont les suivantes :

Allégation 1

Vers les 28 et 29 juillet 2021, aux alentours de Toronto, dans la province de l’Ontario, le sergent Duc Nguyen a harcelé sexuellement une autre membre et lui a fait des commentaires de nature sexuelle grossiers et inappropriés en contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC.

Détails

1. Au moment de l’allégation, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division O, au Détachement de l’aéroport de Toronto à Etobicoke, en Ontario.

2. Au moment de l’allégation, vous étiez un sous-officier (s.-off.) responsable du Groupe de l’intégrité des frontières du Détachement de l’aéroport de Toronto dans le rôle de sergent d’état-major intérimaire.

3. Au moment de l’allégation, la gendarme [R.M.] était affectée au Détachement de l’aéroport de Toronto. Elle suivait sa formation pratique de recrue et comptait sept semaines de service.

4. Le 28 juillet 2021, vous vous êtes rendu au Chop Steakhouse & Bar situé au 801, chemin Dixon, à Toronto, en Ontario, pour une rencontre sociale liée au travail – une fête d’adieu pour le gendarme Walid Nsairi (le « gend. Nsairi »). De nombreux employés du Détachement de l’aéroport de Toronto étaient aussi présents.

5. Vous vous êtes retrouvé en état d’ébriété avancée et avez commencé à parler d’une voix forte et exubérante. Vous avez répété des commentaires offensants au sergent [S.H.], alors qu’on vous avait averti et demandé d’arrêter.

6. Plus tard pendant la rencontre, vous vous êtes déplacé au bout de la table et vous vous êtes assis directement en face de la gendarme [R.M.]. Vous l’avez regardée et lui avez demandé [traduction] : « Alors, [gendarme R.M.], aimes-tu les queues croches? » La gendarme [R.M.] a refusé de répondre à votre question de toute évidence déplacée.

7. Vous avez continué de poser la même question en la reformulant. La gendarme [R.M.] a refusé de vous parler, mais vous avez continué de lui poser des questions sexuellement explicites, notamment :

- « Aimes-tu les queues croches? »

- « Aimes-tu la queue croche du [sergent S.H.]? »

- « Je sais que t’aimes ça parce que ça te frotte au bon endroit. »

- « Comment t’aimes ça? »

- « Fais pas ta gênée, allez... aimes-tu les queues croches? T’aimes ça les queues croches... tu fais juste ta gênée. »

8. De plus, vous avez utilisé votre bras pour représenter le pénis du sergent [S.H.] et avez commencé à faire des gestes avec vos mains pour imiter des actes sexuels.

9. La gendarme [R.M.] s’est sentie très contrariée et embarrassée par vos commentaires inappropriés et offensants.

10. Le 29 juillet 2021, le lendemain, vous avez invité la gendarme [R.M.] dans votre bureau et avez fermé la porte pour discuter de l’incident de la veille. Vous lui avez dit quelque chose comme [traduction] : « Tu le sais qu’on aime ça avoir du fun ici. Tu le sais qu’on aime ça passer du bon temps. On aime ça niaiser. C’est juste du gros fun, c’est un jeu. »

11. Votre comportement envers la gendarme [R.M.] était grossier, inapproprié, indésirable et constituait du harcèlement sexuel.

[la version originale contenait des erreurs]

Exposé conjoint des faits

[14] Le 6 novembre 2023, les parties m’ont fourni un exposé conjoint des faits qui a subséquemment été signé par le sergent Nguyen le 22 novembre 2023. Par conséquent, le 16 juillet 2024, j’ai fourni la Détermination des faits établis. De plus, à la suite de l’audience disciplinaire, j’ai aussi rendu des conclusions de fait supplémentaires, que j’expose plus loin dans la présente décision.

[15] La Détermination des faits établis est la suivante :

  1. Au moment des faits, le sergent Nguyen était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division O, au Détachement de l’aéroport de Toronto à Etobicoke, en Ontario.
  2. Au moment de l’allégation, le sergent Nguyen était un sous-officier (s.-off.) responsable du Groupe de l’intégrité des frontières du Détachement de l’aéroport de Toronto dans le rôle de sergent d’état- major intérimaire.
  3. Au moment de l’allégation, la gendarme R.M. était affectée au Détachement de l’aéroport de Toronto. Elle suivait sa formation pratique de recrue et comptait sept semaines de service.
  4. Le 28 juillet 2021, le sergent Nguyen s’est rendu au Chop Steakhouse & Bar situé au 801, chemin Dixon, à Toronto, en Ontario, pour une fête d’adieu pour [le gendarme Nsairi]. De nombreux employés du Détachement de l’aéroport de Toronto étaient aussi présents.
  5. Durant la rencontre, le sergent Nguyen a utilisé son bras pour représenter le pénis du sergent S.H., a commencé à faire des gestes avec ses mains pour imiter des actes sexuels et a fait des commentaires inappropriés comme « [Le sergent S.H.] a une queue croche » en faisant référence au pénis du sergent S.H.
  6. Plus tard dans la rencontre, alors que la gendarme R.M. était assise avec un petit groupe composé du sergent Nguyen, du sergent d’état-major Francis, du gendarme Nsairi, du gendarme Schwarz et du gendarme Sirbu, le sergent Nguyen a engagé la discussion avec elle en lui posant des questions.
  7. Le sergent Nguyen a posé à la gendarme R.M. des questions qui avaient généralement rapport à des « queues croches » et au fait que celles-ci la frottaient « au bon endroit ». Le sergent Nguyen a aussi dit à la gendarme R.M. de ne pas « faire sa gênée ».
  8. Le 29 juillet 2021, le lendemain, le sergent Nguyen a invité la gendarme R.M. dans son bureau et a fermé la porte pour discuter de ses commentaires de la veille. Il lui a dit qu’il s’excusait si ses commentaires l’avaient offensée. Le sergent Nguyen n’a pas répété les commentaires pour lesquels il s’excusait, mais il a fait référence à sa conduite.

Définition du harcèlement sexuel

[16] La GRC a adopté la définition du harcèlement du Conseil du Trésor. Le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014), à la page 13, indique ce qui suit :

[…]

Comportement inopportun et offensant d’un individu envers un autre individu en milieu de travail, y compris pendant toute activité ou dans tout lieu associé au travail, et dont l’auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement pouvait offenser ou causer préjudice. […]

[17] Le Conseil du Trésor et la GRC ont aussi accepté la définition du harcèlement sexuel en milieu de travail de la Cour suprême du Canada :

Le harcèlement sexuel en milieu de travail peut se définir de façon générale comme étant une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour les victimes du harcèlement[1].

[18] Le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014), à la page 13, précise que le harcèlement sexuel est :

[…]

tout comportement, commentaire, geste ou contact à caractère sexuel susceptible d’offenser ou d’humilier un employé ou pouvant, pour des motifs raisonnables, être perçu par cet employé comme une condition de nature sexuelle nécessaire pour obtenir un emploi ou une promotion, ou pour suivre un programme de formation. […]

[19] Au moment où l’incident est survenu, la politique applicable de la GRC était en cours d’actualisation pour refléter les changements au Code canadien du travail, L.R.C, 1985, ch. L-2 [le Code canadien du travail]. De plus, le chapitre XII.8 « Enquête et règlement des plaintes de harcèlement » du Manuel d’administration de la GRC a été annulé en janvier 2021 et remplacé par le chapitre 2.1 « Directive sur la prévention et de la résolution du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail » à la fin de juillet 2021.

[20] Le chapitre 2.1 du Manuel d’administration n’est entré en vigueur que le 30 juillet 2021, mais le Code canadien du travail s’appliquait à la GRC, un employeur relevant de la compétence fédérale, depuis janvier 2021.

[21] Le harcèlement sexuel est défini à l’article 2.1.25 du chapitre 2.1 du Manuel d’administration (version du 30 juillet 2021) comme suit :

[...] tout comportement, commentaire, geste ou contact à caractère sexuel susceptible d’offenser ou d’humilier un employé ou pouvant, pour des motifs raisonnables, être perçu par cet employé comme une condition de nature sexuelle nécessaire pour obtenir un emploi ou une promotion, ou pour suivre un programme de formation.

[22] La définition du chapitre 2.1 du Manuel d’administration donne une bonne indication de la façon de définir le harcèlement sexuel en regard du Code canadien du travail. Cela dit, puisque la politique est entrée en vigueur deux jours après l’incident en question, je me concentrerai sur les définitions du Conseil du Trésor et la jurisprudence, dont Janzen.

[23] En outre, je constate que la jurisprudence, dont les décisions dans Foerderer[2] et SCFP[3], indique clairement que l’absence d’intention de causer un préjudice ne dégage pas la personne de sa responsabilité.

Critère applicable

[24] Dans les affaires disciplinaires de la GRC, afin de prouver une contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit démontrer ce qui suit :

  1. l’identité du membre;
  2. si les gestes se sont produits tels qu’ils sont allégués;
  3. si les gestes sont indicateurs d’un manque de respect et de courtoisie qui correspond à du harcèlement, sexuel ou autre.

[25] De plus, afin que le troisième élément du critère soit rempli, il faut déterminer si une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et des réalités du travail à la GRC en particulier, saurait ou devrait savoir que de tels gestes ou mots sont dénigrants, dégradants ou humiliants et susceptibles d’offenser ou de causer un préjudice. Qui plus est, dans les affaires à caractère sexuel, il faut déterminer si le harcèlement était de nature sexuelle.

Décision au sujet de l’allégation

Est-ce que l’identité du membre a été bien établie?

[26] L’identité du sergent Nguyen n’est pas mise en doute. Le premier élément du critère est donc rempli.

Est-ce que les gestes se sont produits tels qu’ils sont allégués?

[27] Dès le début, le sergent Nguyen a admis avoir fait le commentaire « [Le sergent S.H.] a une queue croche » et avoir posé à la gendarme R.M. des questions qui avaient généralement rapport à des « queues croches » et au fait que celles-ci la frottaient « au bon endroit ». Il a aussi admis avoir utilisé son bras comme représentation du pénis du sergent S.H. et avoir fait des gestes avec ses mains pour imiter des actes sexuels, comme il est décrit dans le détail 8 de l’Avis d’audience disciplinaire.

[28] Afin de rendre ma décision, j’ai pris en compte toutes les parties du dossier écrit, y compris les déclarations de plusieurs témoins présents à la fête d’adieu du 28 juillet 2021, et j’ai écouté les témoignages durant la phase relative aux allégations de cette affaire qui portaient sur les paroles adressées par le sergent Nguyen, soit généralement, soit directement à la gendarme R.M. J’ai évalué minutieusement le poids à attribuer à chaque élément, de même que les observations des avocats.

[29] Je note tout particulièrement les déclarations fournies par la sergente Oliveros, le sergent d’état-major Francis et le sergent S.H., et j’intégrerai les extraits pertinents de leur témoignage dans mon analyse.

Témoignage et crédibilité

[30] J’ai entendu le témoignage de cinq témoins. Pour évaluer le témoignage d’un témoin, je dois déterminer s’il est véridique et s’il est fiable (c.-à-d. si le témoin est en mesure de percevoir et de se rappeler avec exactitude ce qu’il a observé). Il est possible que je considère les éléments de preuve offerts par un témoin comme étant sincères, mais non fiables. Je peux aussi accepter une partie ou la totalité de la déposition du témoin ou la rejeter au sujet d’un fait particulier[4].

[31] La Cour d’appel de la Colombie-Britannique fait observer que le témoignage d’un témoin ne peut être évalué uniquement en fonction de son comportement[5], c’est-à-dire s’il semble dire la vérité. Le juge des faits doit plutôt déterminer si le récit du témoin est conforme à l’interprétation la plus probable des circonstances.

[32] La question de savoir si le récit du témoin a une « apparence de vraisemblance » est subjective, mais pour y répondre, il faut prendre en considération l’ensemble de la preuve[6].

[33] Les représentantes de l’autorité disciplinaire ont affirmé que tous les témoins étaient coopératifs, équilibrés et crédibles. Le représentant du membre visé a exprimé des réserves à l’égard du témoignage du gendarme Schwarz, soulignant une difficulté à se souvenir des événements dans son témoignage, et du témoignage de la gendarme R.M., attirant l’attention sur plusieurs incohérences entre son témoignage et ses déclarations antérieures fournies durant le processus disciplinaire et le processus du Centre indépendant de résolution du harcèlement.

[34] Je discuterai du témoignage de chaque témoin et traiterai de mes éventuels doutes quant à leur crédibilité.

Gendarme R.M.

[35] J’ai trouvé que la gendarme R.M. était réfléchie, posée et s’exprimait bien. Son témoignage et ses déclarations antérieures comportaient quelques incohérences, mais elles concernaient des points secondaires. Dans l’ensemble, je suis convaincue que les souvenirs de la gendarme R.M. sont cohérents et que c’est une témoin crédible et fiable.

[36] Au moment de l’incident présumé, le 28 juillet 2021, la gendarme R.M. avait 25 ans et n’avait obtenu son diplôme de la Division Dépôt 7 que sept semaines avant. Elle traversait encore une grande période de changement dans sa vie, devait s’habituer à sa première affectation au Détachement de l’aéroport de Toronto et n’avait pas de famille ou d’amis proches pour la soutenir. La gendarme R.M. ne connaissait pas beaucoup les autres membres du Détachement et assistait à la fête d’adieu dans le but de rencontrer ses collègues. Elle est arrivée à la fête avec son moniteur de formation pratique intérimaire, le gendarme Marion Sirbu, et avec une autre recrue récente, le gendarme Schwarz. Les trois membres étaient encore en service au moment de l’événement, mais avaient reçu la permission d’être présents tout en maintenant leur disponibilité opérationnelle.

[37] La gendarme R.M. a dessiné et décrit la disposition des places à l’événement social. Cette disposition n’a été contestée par aucun autre témoin. Elle a dit qu’à son arrivée, le sergent Nguyen était assis à l’autre extrémité de la table. Elle a ajouté qu’il est plus tard venu s’asseoir directement en face d’elle lorsque le groupe de participants s’est réduit.

[38] La gendarme R.M. a raconté que même lorsque le sergent Nguyen était assis à l’autre bout de la table, c’est-à-dire à une vingtaine de pieds, elle pouvait l’entendre parler d’une voix exubérante et retentissante, criant à répétition : « [Le sergent S.H.] a la queue croche. » Elle s’est rappelé que plusieurs autres membres lui ont demandé d’arrêter, pas directement, mais avec des paroles comme « C’est pas le bon public pour ça » ou « Y’a des juniors ici ». Le sergent Nguyen a arrêté pendant un instant, mais il a constamment trouvé des façons de ramener le sujet inapproprié dans la conversation.

[39] La gendarme R.M. a dit qu’elle a entendu des commentaires selon lesquels le sergent Nguyen aurait vu le pénis du sergent S.H. dans la douche; le sergent Nguyen disait que le sergent S.H. pouvait « fourrer une salope de l’autre bord du coin » [NDT : en anglais « fuck a bitch from around the corner »]. Elle a aussi dit avoir constaté des signes d’ébriété chez le sergent Nguyen.

[40] La gendarme R.M. a attesté qu’après que le sergent Nguyen s’est rapproché de son bout de la table, sans y être invité, il est revenu sur le sujet du pénis du sergent S.H. Il s’est alors penché vers elle, l’a regardé dans les yeux et lui a demandé : « Alors, [gendarme R.M.], aimes-tu les queues croches? » Elle s’est rappelé avoir été bouche bée, ne sachant quoi répondre à cette question et espérant que quelqu’un s’interpose. Elle a expliqué qu’elle est parvenue à dire qu’elle n’allait pas répondre à la question. Elle a affirmé qu’il a ensuite insisté pour la faire avouer : « Allez, je sais que t’aimes ça. Tu peux me le dire. T’aimes ça, les queues croches? » Puis il a ajouté : « Tu peux me le dire... tu fais juste ta gênée avec moi... je sais que t’aimes ça les queues croches parce qu’elles te frottent au bon endroit ». Elle a précisé qu’il a aussi fait des gestes avec ses mains pendant qu’il disait ces choses-là, pliant son bras dans un angle de 90 degrés pour imiter la forme d’un pénis courbé.

[41] La gendarme R.M. a confié s’être sentie très mal à l’aise et très tendue. Elle s’est sentie isolée, rabaissée, diminuée et embarrassée. Bien que le représentant du membre visé l’ait interrogée avec insistance là-dessus, elle a répondu qu’elle n’a pas ri en réponse aux questions du sergent Nguyen, pas même d’un rire de malaise. Elle s’est rappelé que d’autres membres ont ri, mais elle n’a pas pu dire s’ils riaient en réaction aux commentaires du sergent Nguyen.

[42] La gendarme R.M. a expliqué qu’elle a pris le temps de réfléchir à la situation. Elle a déclaré que son évaluation de ses propres émotions a été influencée par les commentaires des autres, dont ceux du gendarme Sirbu, qui lui a dit, sur le chemin du retour au Détachement ce soir- là, qu’il espérait qu’elle comprenait l’humour du sergent Nguyen.

[43] La gendarme R.M. a aussi parlé des excuses qu’elle a reçues du sergent Nguyen le lendemain. Elle a raconté qu’il l’a sortie d’une réunion et amenée dans son bureau. Elle a décrit ses excuses comme une série de questions orientées, du genre : « Tu le sais qu’on aime ça avoir du fun ici »?, « Tu le sais qu’on aime ça faire des jokes ici? », « On aime ça passer du bon temps, tu sais ça? » Elle a déclaré avoir répondu par l’affirmative à chacune de ces questions parce qu’elle estimait ne pas avoir le choix. Elle a expliqué qu’elle voulait sortir de cette rencontre le plus rapidement possible. Elle a ajouté qu’elle se sentait très mal à l’aise dans un bureau à la porte fermée, seule avec le sergent Nguyen, et que dans cette situation les pouvoirs étaient considérablement déséquilibrés.

[44] La gendarme R.M. a dit qu’elle a senti que le sergent Nguyen ne s’était pas excusé pour ses gestes comme tels, mais plutôt de manière générale, si jamais elle avait trouvé que les choses étaient « devenues trop intenses hier ». Elle ne se souvenait pas exactement des mots qu’il a utilisés, mais elle a senti qu’il n’assumait pas la responsabilité de ses gestes et qu’il la manipulait.

[45] La gendarme R.M. a déclaré qu’après l’incident, le sergent Nguyen l’évitait et faisait exprès pour l’ignorer.

[46] La gendarme R.M. a expliqué que ce n’est qu’en parlant d’une autre affaire à son moniteur de formation pratique, le gendarme McCarthy, qu’elle lui a relaté les commentaires du sergent Nguyen. La gendarme R.M. avait avant cela l’impression que le gendarme McCarthy avait été informé de l’incident du 28 juillet 2021 par les cadres supérieurs présents ou par son moniteur de formation intérimaire, le gendarme Sirbu, mais elle a réalisé que ce n’était pas le cas. Ce qu’elle a raconté au gendarme McCarthy à ce moment-là a déclenché le processus de dépôt d’une plainte pour harcèlement. Elle a fait savoir que le fait que personne n’ait rien dit avant ou ne l’ait encouragée à déposer une plainte lui a fait perdre confiance dans le milieu de travail.

[47] La gendarme R.M. a admis avoir répondu qu’elle allait bien lorsque le gendarme Sirbu et le gendarme McCarthy (avant de réaliser que celui-ci n’était pas au courant de tout ce qui s’était passé à la fête) lui ont demandé comment elle allait. Elle a déclaré qu’elle avait de la difficulté à composer avec ce qui lui avait été dit et qu’elle ne savait pas trop quoi faire avec cela (prendre connaissance de la politique sur le harcèlement sexuel et d’autres documents). Elle a affirmé qu’elle était gênée de parler de cette affaire et estimait qu’elle n’avait été approchée ni au bon moment ni au bon endroit, alors que d’autres personnes pouvaient entendre la conversation. Elle a aussi expliqué qu’elle n’avait pas essayé de s’adresser au gendarme Sirbu et au gendarme McCarthy à un meilleur moment parce qu’elle se sentait toujours mal à l’aise. De plus, elle a ajouté que ses émotions avaient été influencées par d’autres, qui semblaient croire que les commentaires n’étaient pas aussi déplacés qu’elle le pensait.

[48] La gendarme R.M. a dit qu’elle a entrepris une thérapie à la suite des événements.

Sergent Nguyen

[49] J’ai trouvé le sergent Nguyen coopératif et sincère dans le récit de ses souvenirs de l’incident du 28 juillet 2021 et des jours suivants, ainsi que tout au long du processus disciplinaire dans son ensemble. Je l’ai trouvé crédible et fiable.

[50] J’incorpore une bonne partie du témoignage du sergent Nguyen dans mon analyse. Je ne vais donc mentionner qu’une partie de son témoignage ici pour préparer mes conclusions de fait et donner un aperçu de ses souvenirs des événements.

[51] Le sergent a expliqué qu’il a commencé à faire les commentaires qu’il a faits et à utiliser le langage qu’il a utilisé parce qu’un autre membre blaguait au sujet de sa capacité [la capacité du sergent Nguyen] à espionner les hommes dans la douche dans le vestiaire du Détachement. Il a précisé que cette blague récurrente remontait à une quinzaine d’années, à l’époque où son casier faisait face à la douche; d’autres membres s’amusaient à dire qu’il pouvait espionner les hommes dans la douche par les trous de rivets dans le fond de son casier. Il a confié que ces commentaires l’ont d’abord déstabilisé et qu’il avait senti que sa sexualité était remise en doute, mais qu’il avait vu cela comme une blague.

[52] La blague à l’époque a été poussée plus loin : un graffiti a été dessiné derrière le casier du sergent Nguyen par d’autres membres, qui ont encerclé les trous de rivets et écrit : « Caméra d’espionnage 3D de Duc » Le sergent Nguyen a ajouté que ce graffiti existe toujours sur son casier quinze ans plus tard.

[53] Le sergent Nguyen a affirmé qu’il a joué le jeu quand cette blague de douche lui a été faite à nouveau le 28 juillet 2021. Il a expliqué avoir répondu qu’il pouvait voir que le sergent S.H. avait une « queue croche ». Il a déclaré que comme cela avait suscité des rires, il estimait que c’était une blague réussie et a enchaîné avec d’autres commentaires du même genre. Il a aussi admis avoir utilisé son bras, plié au coude, pour représenter un pénis courbé.

[54] Le sergent Nguyen a affirmé que lorsqu’il s’est déplacé à l’autre bout de la table en soirée, tandis que les convives devenaient moins nombreux, il a refait la même blague en présence du groupe réduit, pensant que cela allait détendre l’atmosphère et entretenir les rires.

[55] Le sergent Nguyen a admis avoir posé des questions directes à la gendarme R.M., mais précise que c’était une conversation qui a duré 15 secondes. Il a ajouté que la gendarme R.M. ne lui a montré d’aucune façon qu’elle désapprouvait ses commentaires. Il a insisté sur le fait que l’interaction a été très brève et qu’il n’a pas interprété la réponse de la gendarme R.M., à savoir qu’elle n’allait pas répondre à sa question, comme une indication qu’elle était offensée ou voulait qu’il arrête ses commentaires. Il a ajouté qu’elle a ri et n’a pas quitté la table, ce qui selon lui ne correspondait pas à une réaction d’une personne offensée.

[56] Le sergent Nguyen a déclaré qu’il n’a pas entendu personne le prévenir ou lui demander d’arrêter avant que le sergent d’état-major Francis l’amène à l’écart à la toute fin de la soirée. Cela dit, durant le contre-interrogatoire, il a reconnu que le sergent S.H. lui a dit : « Heille, le SEM, c’est assez. » Toutefois, il a mentionné qu’il n’a pas compris cela comme une recommandation de mettre fin à ses commentaires. Il a plutôt senti que le sergent S.H. était d’humeur légère et blagueuse, parce que comme il [le sergent Nguyen] n’était pas réellement un sergent d’état-major, il a interprété le choix de mots du sergent S.H. comme du sarcasme. Il a expliqué que l’intervention du sergent S.H. n’était pas dure et qu’il n’a pas réalisé que celui-ci était offensé.

[57] Le sergent Nguyen a affirmé qu’il a consommé trois cocktails durant la soirée et que son comportement était probablement jovial et exubérant jusqu’à un certain point.

[58] Le sergent Nguyen a déclaré qu’il était au bord de l’épuisement professionnel à la fin du mois de juillet 2021, mais il a admis que cela n’excuse pas son comportement.

[59] Durant son témoignage, le sergent Nguyen a reconnu que ses commentaires étaient inappropriés et inacceptables dans le contexte et qu’il en était conscient à la fin de la soirée du 28 juillet 2021, et que, en conséquence, il a cherché à s’excuser au sergent S.H. et à la gendarme R.M. le lendemain, alors qu’il aurait en fait dû être en congé. Il a rencontré les deux membres séparément le matin du 29 juillet 2021 et s’est excusé pour ses commentaires.

[60] Quant aux excuses adressées à la gendarme R.M., le sergent Nguyen a expliqué qu’il lui a demandé de venir dans son bureau pour voir comment elle allait parce qu’il ne savait pas trop si elle avait été offensée par ses commentaires de la veille. Il a dit que les commentaires étaient des plaisanteries et a fait savoir à la gendarme R.M. qu’il était approchable et accessible si elle voulait lui parler de quoi que ce soit. Il a déclaré qu’il avait l’impression qu’elle avait accepté ses excuses quand elle a dit qu’elle n’avait pas de problème et qu’elle avait « travaillé avec des policiers avant ». Il a précisé qu’il a mis fin à la conversation en lui demandant si tout était correct, ce à quoi elle a répondu oui. Lorsqu’on l’a interrogé à propos du fait que la gendarme R.M. a dit s’être sentie intimidée dans la pièce avec lui, il a répondu qu’elle avait le droit de s’être sentie comme cela, mais que ses intentions à lui étaient nobles.

[61] Le sergent Nguyen a ajouté qu’avant d’être informé de la plainte pour harcèlement déposée contre lui, il n’avait aucune raison de douter que la gendarme R.M. était à l’aise avec la situation. Voilà pourquoi il ne l’a pas traitée différemment des autres. Il a ajouté qu’il ne l’a pas ignorée, contrairement à ce qu’elle a affirmé, et qu’il ne l’a pas exclue délibérément des destinataires des courriels.

[62] En contre-interrogatoire, le sergent Nguyen a déclaré qu’il ne savait pas que la GRC avait une politique de tolérance zéro à l’égard du harcèlement et qu’il ne se souvenait pas d’avoir suivi de formation particulière sur ce sujet, à part un cours en 2006.

[63] À l’égard de son poste au sein du Détachement de l’aéroport de Toronto, le sergent Nguyen a déclaré que même s’il était sergent d’état-major intérimaire à l’époque, il voit le travail comme un effort d’équipe et n’associe pas un grade à chaque membre. Lorsque les représentantes de l’autorité disciplinaire ont insisté sur la question, il a reconnu que les membres subalternes respectent normalement le commandement et qu’il était responsable de l’équipe. Enfin, il a reconnu qu’il faut donner l’exemple, surtout devant les membres subalternes.

Gendarme Schwarz

[64] Le gendarme Schwarz a comparu par vidéoconférence parce qu’il venait d’être transféré au Détachement de Rankin Inlet la semaine avant le début de l’audience disciplinaire. Sa première affectation à l’extérieur de la Division Dépôt était au Détachement de l’aéroport de Toronto et avait débuté le 10 mai 2021. Il a déclaré qu’il n’avait pas de contact avec le sergent Nguyen et la gendarme R.M. en dehors du travail. Au travail, sa relation avec le sergent Nguyen s’est limitée à quelques interactions mineures. Il a obtenu son diplôme de la Division Dépôt peu avant la gendarme R.M. Il a affirmé qu’elle était aimable, serviable et une collègue agréable.

[65] Le gendarme Schwarz s’est souvenu de la disposition des places à la fête du 28 juillet 2021. Il a aussi déclaré qu’il croyait que le sergent Nguyen n’était pas en état d’ébriété, mais qu’il avait probablement pris quelques verres. Il a ajouté que le sergent Nguyen était de bonne humeur et riait.

[66] Le gendarme Schwarz a déclaré qu’il a vu le sergent Nguyen demander au sergent S.H. si son pénis formait un angle. Il a supposé que le sergent S.H. n’avait pas aimé la question parce que son visage est devenu rouge.

[67] Le gendarme Schwarz a déclaré que le sergent Nguyen a par la suite regardé la gendarme R.M. et lui a demandé si elle aimait les pénis formant un angle. Elle a dit qu’elle ne voulait pas répondre à la question, ce qui a incité le sergent Nguyen à la répéter. Invité à donner plus de détails sur la réaction de la gendarme R.M., le gendarme Schwarz l’a décrit comme surprise, peut-être un peu choquée par la question. Il a affirmé que malgré cette réaction, le sergent Nguyen ne s’est pas immédiatement arrêté et a plutôt continué à poser à la gendarme R.M. la même question quelques fois de plus. Il a estimé que l’interaction avait duré peut-être une minute ou deux. Il a décrit la situation comme étant inconfortable et a déclaré qu’il n’avait pas aimé l’événement social.

[68] Pendant le contre-interrogatoire, le gendarme Schwarz a admis, après avoir été questionné avec insistance, qu’il ne pouvait pas se rappeler avec précision ce qui avait été dit à la fête. Il a enchaîné avec d’autres incohérences, affirmant qu’il était sûr de certaines des paroles qu’il avait entendues, puis revenant sur ses déclarations quand le représentant du membre visé a continué à le questionner. Il a semblé agité et hésitant pendant le contre-interrogatoire.

[69] Au sujet de la réaction du sergent S.H. aux commentaires du sergent Nguyen, pendant le contre-interrogatoire, le représentant du membre visé a fait remarquer que le gendarme Schwarz avait précédemment dit, dans sa déclaration, que le sergent S.H. les avait pris comme une blague[7], mais qu’il affirmait maintenant que le sergent S.H. ne les avait pas aimés et que son visage était devenu rouge. Le gendarme Schwarz n’a pas été capable d’expliquer cette incohérence.

[70] Le problème le plus marquant concernant la capacité du gendarme Schwarz à se rappeler les événements est la question de savoir si le sergent Nguyen était en état d’ébriété. Durant l’interrogatoire principal, il a déclaré que le sergent Nguyen ne l’était pas. Cependant, quand il a été question de cette déclaration durant le contre-interrogatoire, il ne pouvait pas se rappeler avoir dit que le sergent Nguyen n’était pas en état d’ébriété seulement quelques minutes avant. Étant donné cette incohérence, ainsi que son incertitude et son incapacité à se souvenir de ce qui a été dit le 28 juillet 2021, je conclus que son témoignage n’est pas fiable et je ne lui accorde que peu de poids, ne conservant que les parties corroborées par d’autres témoins.

[71] Par conséquent, les deux déclarations du gendarme Schwarz que j’ai prises en considération sont qu’il n’a pas remarqué de changements majeurs dans l’environnement de travail à la suite des commentaires du sergent Nguyen du 28 juillet 2021 et qu’il ne se rappelle pas de blagues particulières concernant des « queues croches » ou de blagues récurrentes, en général, dans le Détachement de l’aéroport de Toronto avant la fête du 28 juillet 2021.

Gendarme Sirbu

[72] Le gendarme Sirbu est toujours affecté au Détachement de l’aéroport de Toronto. Il a témoigné en personne avec calme. Il n’était pas agité, était cohérent et a pris son temps pour répondre aux questions. J’ai conclu qu’il avait répondu aux questions du mieux qu’il le pouvait, disant qu’il ne se souvenait pas de quelque chose quand il avait des doutes. J’estime qu’il est un témoin crédible et fiable.

[73] Le gendarme Sirbu a décrit le sergent Nguyen comme un travailleur acharné qui est aimé et respecté et toujours là pour ceux et celles qui ont des questions ou qui ont besoin de conseils.

[74] Le gendarme Sirbu a déclaré que lorsqu’il est arrivé au restaurant le 28 juillet 2021, le sergent Nguyen était déjà là. Il s’est rappelé avoir entendu beaucoup de rires au bout de la table où était assis le sergent Nguyen et des commentaires sur le fait que le sergent S.H. avant un pénis courbé. Interrogé à ce sujet, il a affirmé qu’il ne se souvenait pas du contexte et qu’il n’a pas entendu d’autres commentaires de ce bout de la table.

[75] Le gendarme Sirbu s’est ensuite rappelé les commentaires adressés directement à la gendarme R.M. Il a déclaré que le sergent Nguyen était enthousiaste et animé. En contre- interrogatoire, il a parlé d’un certain niveau d’ébriété. Il a déclaré que le sergent Nguyen avait poursuivi son histoire au sujet de la « queue croche » du sergent S.H., demandant à la gendarme R.M. si elle savait « à quoi ça ressemble ». Il s’est rappelé que la gendarme R.M. a ri nerveusement et qu’elle était tendue, ce qui lui a fait remarquer son malaise et lui a coupé l’envie de rire. Ensuite, il a dit au sergent Nguyen : « C’est assez. »[8] En contre-interrogatoire, les représentantes de l’autorité disciplinaire ont vérifié si son intention, quand il a dit cela, était que le sergent Nguyen mette fin à ses commentaires. Il a affirmé que le sergent Nguyen ne l’avait pas fait immédiatement, mais que le sujet de discussion avait graduellement changé. Il a ajouté s’être dit qu’il devrait plus tard demander au sergent Nguyen de s’excuser à la gendarme R.M., ce qu’il n’a pas eu à faire parce que le sergent Nguyen s’était déjà excusé.

[76] Le gendarme Sirbu a déclaré que dans les jours suivant l’événement, et après les excuses du sergent Nguyen, il a demandé à la gendarme R.M. si elle allait bien, ce à quoi elle a répondu par l’affirmative. En qualité de moniteur de formation temporaire assigné à la gendarme R.M., il estimait avoir la responsabilité professionnelle, et aussi personnelle, de faire le point avec elle. Il a déclaré qu’il n’avait aucune raison de mettre en doute sa réponse et le fait que les excuses du sergent Nguyen suffisaient.

[77] En ce qui concerne le graffiti sur le casier du sergent Nguyen, le gendarme Sirbu a déclaré qu’il n’avait rien entendu là-dessus et qu’il n’en avait rien pensé. Il a simplement vu cela comme quelque chose d’insignifiant écrit sur un casier, comme on en voit sur les cloisons des toilettes publiques.

[78] Enfin, je tiens à souligner la bonne description qu’a donnée le gendarme Sirbu des difficultés et des facteurs de stress que doit affronter un membre pendant sa transition de la Division Dépôt à sa première affectation. Il a décrit l’empathie qu’il a ressentie pour la gendarme R.M. et le gendarme Schwarz, celui-ci étant sa recrue assignée à temps plein. Il a aussi décrit les difficultés auxquelles les deux ont fait face pendant qu’ils s’adaptaient au Détachement de l’aéroport de Toronto et à un nouveau domicile sans amis ni famille proches.

Sergent Holmes

[79] Le sergent Holmes a témoigné par vidéoconférence depuis Washington D.C., où il était affecté à titre d’officier de liaison. Il s’exprimait bien et semblait cohérent dans ses souvenirs et par rapport à sa déclaration précédente. J’estime que le sergent Holmes est un témoin crédible et fiable.

[80] Le sergent Holmes a déclaré qu’il a été déstabilisé par les commentaires du sergent Nguyen au sujet du pénis d’un autre membre. Il a raconté qu’au moment des événements, le sergent Nguyen était volubile, exubérant et revenait toujours sur le sujet du pénis du sergent S.H. Il a expliqué que la nature de la blague ne correspondait pas au comportement habituel du sergent Nguyen. Il a aussi dit qu’il avait déjà entendu des commentaires au sujet du graffiti sur l’ancien casier du sergent Nguyen et une blague voulant que celui-ci puisse voir les autres membres prendre leur douche à travers son casier, mais qu’il n’avait jamais rien entendu au sujet des organes génitaux du sergent S.H.

[81] Le sergent Holmes s’est dit choqué et mal à l’aise. Il a déclaré qu’il n’a pas fait savoir au sergent Nguyen qu’il ne voulait pas participer à la discussion, mais qu’il a tenté de l’encourager à changer de sujet. Il n’a pas entendu de commentaires adressés directement à la gendarme R.M.

[82] Le sergent Holmes a affirmé clairement qu’un sergent n’a pas besoin de se faire dire comment se comporter en présence de membres subalternes. C’est plutôt quelque chose qu’il doit savoir.

Conclusions de fait

[83] Comme il est exposé dans ma Détermination des faits établis et dans la réponse du sergent Nguyen à l’allégation, je conclus que celui-ci a dit que « Le sergent S.H. a la queue croche » et qu’il a demandé à la gendarme R.M. « Aimes-tu les queues croches? ». Je conclus également qu’il lui a dit que « ça frotte au bon endroit » (« ça » s’entendant d’un pénis de cette forme) et qu’elle ne devait pas « faire sa gênée » (comme elle ne répondait rien, il l’a traitée de « gênée »).

[84] Les autres paroles prétendument prononcées sont énoncées dans le détail 7 de l’Avis d’audience disciplinaire : « Aimes-tu la queue croche du [sergent S.H.]? », « Je sais que t’aimes ça », « Comment t’aimes ça? » et « T’aimes les queues croches. »

[85] Bien que je sois d’accord avec le représentant du membre visé quand il dit que les membres présents à l’événement ne se souviennent peut-être pas tous des mots précis que le sergent Nguyen a utilisés, le gros des commentaires est cohérent parmi ceux qui les ont entendus et est de même nature que les aveux du sergent Nguyen.

[86] Ce n’est pas mentionné dans l’Avis d’audience disciplinaire, mais le sergent Nguyen a aussi admis avoir dit qu’une personne dont le pénis est courbé peut avoir une relation sexuelle avec quelqu’un qui se trouve « de l’autre bord du coin ». Les mots exacts ont fait l’objet d’un large débat à l’audience disciplinaire, mais voilà la formulation avec laquelle le sergent Nguyen s’est dit d’accord. Je les ai inclus ici pour souligner le fait que la discussion générale et le contexte étaient semblables au thème et aux commentaires tout au long de la soirée, c’est-à-dire des commentaires de nature sexuelle au sujet de pénis courbés, et plus précisément du pénis du sergent S.H. et de la capacité d’un pénis courbé à « frotter au bon endroit ».

[87] Les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour que je puisse conclure que le sergent Nguyen a expressément demandé à la gendarme R.M. si elle aimait le pénis courbé du sergent S.H., ni s’il la « frotterait elle au bon endroit », ni si elle savait de quoi cela avait l’air. En revanche, je conclus que la question de savoir si elle aime les « queues croches », immédiatement suivie de « ça frotte au bon endroit », suggère la raison pour laquelle elle pourrait aimer cela et établit une relation entre les commentaires et ses préférences. Par conséquent, j’accepte le témoignage de la gendarme R.M. selon lequel ces commentaires ont eu pour effet de lui faire sentir qu’elle était interrogée sur ses préférences sexuelles.

[88] À cette fin, il m’apparaît inconcevable que le sergent Nguyen ait lui-même été embarrassé et ait eu l’impression que son orientation et ses préférences sexuelles étaient remises en doute quand on lui a demandé s’il regardait les autres hommes prendre leur douche dans le vestiaire, mais qu’il soit incapable de comprendre comment ou pourquoi la gendarme R.M. puisse ressentir la même chose quand on lui demande si elle aime les « queues croches » et si elles la « frottent au bon endroit ».

[89] En ce qui concerne la question de savoir si le sergent Nguyen a été averti et invité à cesser ses commentaires, la preuve établit qu’au moins quelques membres ont essayé de modérer ses commentaires. Les notes et la déclaration de la sergente Oliveros indiquent qu’elle lui a dit « C’est pas le bon public pour ça », et le sergent S.H. a mentionné dans sa déclaration qu’il a tenté de mettre fin à la conversation en disant « C’est assez », ce que le gendarme Sirbu a confirmé. De plus, le gendarme Sirbu a lui-même dit au sergent Nguyen « Ça va faire » après l’avoir entendu interroger la gendarme R.M. Enfin, la gendarme R.M. a essayé de se soustraire à la conversation en disant qu’elle ne voulait pas répondre à la question du sergent Nguyen, indiquant elle aussi que les commentaires devaient cesser. Aux fins de mes conclusions de fait, je conclus que le sergent Nguyen a été averti.

[90] Je conclus également que le sergent Nguyen a posé à répétition des questions à la gendarme R.M. Il a lui-même déclaré avoir abordé le sujet du pénis courbé du sergent S.H. de nombreuses fois dans des conversations en début d’après-midi avec le sergent S.H. et avec d’autres membres assis près de lui. Cela est corroboré par tous les témoins et appuyé par la version des événements du sergent Holmes. Celui-ci a déclaré qu’à son arrivée, le sergent Nguyen lui a demandé plusieurs fois s’il savait que le sergent S.H. avait un pénis courbé – une interaction que le sergent Nguyen ne nie pas. Étant donné ce type de comportement, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que le sergent Nguyen non seulement ait demandé à la gendarme R.M. si elle aimait les pénis courbés et s’ils la frottaient au bon endroit, puis lui ait dit rapidement à plusieurs reprises de ne pas faire sa gênée, mais aussi qu’il ait répété ces commentaires, peut-être en modifiant quelque peu leur formulation, plus d’une fois. Je note que le sergent Nguyen a continué de se comporter de la sorte après avoir été averti, comme je l’ai déjà conclu.

[91] En ce qui a trait au niveau d’ébriété du sergent Nguyen ainsi qu’à l’intensité et au ton de sa voix, j’ai entendu plusieurs témoins et lu les déclarations d’autres témoins qui confirment qu’il avait consommé de l’alcool et atteint un certain niveau d’ébriété, ce qui l’a rendu d’humeur joviale et amené à parler d’une manière plus exubérante qu’à l’habitude. Le sergent Nguyen a déclaré qu’il a bu trois verres, mais qu’il est resté « en contrôle de son corps et de sa tête ». Je ne conclus pas qu’il était dans un état d’ébriété avancé, mais, compte tenu de la preuve devant moi, je ne peux pas dire qu’il n’était pas sous l’influence de l’alcool. Par conséquent, je conclus qu’il était sous l’influence de l’alcool dans une certaine mesure.

[92] Quant au détail 10 de l’Avis d’audience disciplinaire, je conclus que le sergent Nguyen a présenté à la gendarme R.M. des excuses lors d’une rencontre derrière une porte close le lendemain de l’incident. Ils ont tous deux attesté ce fait, quoiqu’avec des différentes versions de la sincérité de ces excuses. J’ai trouvé que le sergent Nguyen était crédible dans sa façon de relater ses excuses et leur qualité. J’ai aussi trouvé qu’il était sincère dans ses remords et je reconnais qu’il s’est excusé à la gendarme S.M. à la première occasion, conscient d’avoir mal agi.

[93] Par conséquent, je conclus que les gestes qui constituent l’essence des détails se sont produits conformément aux allégations et que le deuxième élément du critère est rempli.

Les gestes correspondent-ils à du harcèlement sexuel?

[94] Le représentant du membre visé a affirmé que les circonstances particulières entourant l’événement incitaient les membres à faire des blagues et que la discussion suscitait des rires. Il a souligné la culture générale au Détachement, et plus précisément le graffiti sur l’ancien casier du sergent Nguyen, pour montrer que l’environnement du Détachement de l’aéroport de Toronto est caractérisé par les gags récurrents et l’humour de nature sexuelle. En fait, le sergent Nguyen a déclaré qu’il a été incité à faire les commentaires qu’il a faits l’après-midi du 28 juillet 2021 parce qu’un autre membre avait amorcé la discussion en lui demandant s’il pouvait voir d’autres membres prendre leur douche à travers son casier.

[95] Je n’ai reçu aucun élément de preuve qui me permettrait de conclure que le sergent Nguyen a fait les commentaires qu’il a faits en réponse à des allusions sexuelles à son endroit pendant la rencontre d’adieu. Aucun des témoins, autres que le sergent Nguyen lui-même, n’a déclaré qu’une telle conversation avait eu lieu. Quoi qu’il en soit, je reconnais que le graffiti sur son casier existe et qu’il avait lui-même fait l’objet de commentaires à caractère sexuel, au moment où le graffiti a été dessiné il y a une quinzaine d’années et peut-être même à la rencontre du 28 juillet 2021. Cela dit, d’autres manifestations de ce type d’humour ne donnent pas au sergent Nguyen la permission d’adresser des commentaires à caractère sexuel aux gens autour de lui.

[96] En outre, à l’exception du sergent Holmes, qui a déclaré qu’il a peut-être entendu quelque chose au sujet du graffiti sur le casier, mais qui ne pouvait pas se rappeler qui avait dit cela ou d’autres détails sur ce sujet, aucun témoin n’a attesté avoir été au courant du gag récurrent concernant ce graffiti, les organes génitaux du sergent S.H. ou des commentaires de nature sexuelle similaires. Chaque témoin a été interrogé rigoureusement sur cette question. De plus, plusieurs témoins ont mentionné dans leurs déclarations qu’un comportement et des commentaires de ce type ne correspondaient pas à la personnalité du sergent Nguyen. Le sergent Holmes et le sergent S.H. ont aussi affirmé dans leurs déclarations qu’ils ont été surpris, ce qui donne à entendre que le type de langage dont il est question dans cette affaire n’est pas habituel dans cet environnement.

[97] Le sergent Nguyen a aussi confirmé que le graffiti existait depuis 2008 ou 2009, et que, depuis, les membres au Détachement de l’aéroport de Toronto avaient beaucoup changé. Par conséquent, les membres qui ont possiblement vu ou commencé cette blague ne travaillent plus au Détachement. Je conclus que le groupe qui s’est réuni le 28 juillet 2021 n’avait pas l’habitude de faire des commentaires à caractère sexuel et n’était pas au courant des blagues assorties d’allusions sexuelles qui circulaient parmi d’autres membres.

[98] Compte tenu de ce qui précède, je rejette vigoureusement l’idée qu’il s’agirait là de la culture ou de l’environnement de travail typique au Détachement de l’aéroport de Toronto.

[99] En outre, et plus précisément, rien n’indique que la gendarme R.M. souhaitait prendre part à ce type d’humour – à cet événement ou ailleurs. Je ne doute pas qu’il y ait eu des rires à la rencontre et la preuve démontre que certains membres ont ri en réaction aux commentaires de nature sexuelle, mais le sergent S.H. et la gendarme R.M. n’ont pas aimé cet humour. Il est possible que la gendarme R.M. ait initialement réagi par un rire de malaise, mais elle a ensuite dit clairement qu’elle ne voulait pas répondre à la question du sergent Nguyen. Le sergent Nguyen, au lieu d’arrêter, lui a posé d’autres questions.

[100] Bien que je sois d’accord avec le représentant du membre visé lorsqu’il affirme que les circonstances particulières d’un cas doivent être prises en considération, je tiens à faire remarquer que les commentaires douteux, l’humour de vestiaire et l’humour à caractère sexuel qui pouvaient autrefois être tolérés ne le sont plus aujourd’hui.

[101] En outre, il est bien établi que les policiers sont assujettis à des normes plus élevées que le grand public. Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie, qu’ils soient en service ou non. Dans le cas présent, les gestes en question se sont produits lors d’un événement lié au travail. La politique de la GRC stipule clairement que le lieu de travail d’un employé peut inclure des locaux de tiers et des fonctions après les heures de travail, par exemple la rencontre d’adieu qui constitue le lieu des événements dans cette affaire. Qui plus est, la gendarme R.M. était en service au moment de l’incident.

[102] À cela s’ajoute le fait que même si le sergent Nguyen n’était pas le supérieur direct de la gendarme R.M., il était assurément en position d’autorité sur elle vu son grade et son ancienneté. Il était sergent d’état-major intérimaire, ce qui est le deuxième grade en importance au Détachement de l’aéroport de Toronto. De plus, il supervisait plusieurs équipes, dont celle de la gendarme R.M. Au moment de l’incident, il avait 41 ans, comptait 17 années de service et avait vécu diverses expériences professionnelles dans le cadre desquelles il avait tissé des liens avec de nombreux collègues.

[103] En comparaison, au moment de l’incident, la gendarme R.M. avait 25 ans, comptait 7 semaines de service et s’adaptait à sa première affectation hors de la Division Dépôt, sans famille ni amis pour la soutenir. En plus, elle était la membre la plus jeune et ayant le moins d’ancienneté à l’événement, et la seule femme à la table où le sergent Nguyen lui a adressé ses commentaires.

[104] Alors qu’il n’existe pas de comportement typique chez les personnes qui subissent des commentaires inappropriés à caractère sexuel, il est évident que la gendarme R.M. s’est sentie mal à l’aise et humiliée par ceux du sergent Nguyen. J’ai trouvé son témoignage à cet égard percutant et sincère. J’ai entendu des témoignages qui ont confirmé que la gendarme R.M. semblait mal à l’aise. Même si elle a ri aux commentaires du sergent Nguyen, c’était un rire de malaise et elle semblait tendue, selon les déclarations du gendarme Sirbu, qui était assis à côté du sergent Nguyen à ce moment-là. Même lui, qui a réagi en riant, a déclaré qu’il a contenu son rire quand il a vu de quoi la gendarme R.M. avait l’air, précisant avoir constaté qu’elle était mal à l’aise.

[105] En outre, le fait que la gendarme R.M. ait déclaré qu’elle allait « bien » quand le gendarme McCarthy lui a demandé comment elle allait après l’incident, et en réponse aux excuses présentées par le sergent Nguyen, ne permet pas de conclure quoi ce que soit sur son état d’esprit et sur les effets que les commentaires ont eus sur elle. Cela ne fait plutôt que perpétuer les idées préconçues concernant la façon dont quelqu’un est censé réagir à des commentaires à caractère sexuel, lesquels n’ont pas leur place dans notre société à l’ère d’aujourd’hui.

[106] Pour en revenir aux événements en question, le sergent Nguyen n’a rien fait pour vérifier si la gendarme R.M. était effectivement réceptive à ses commentaires de nature sexuelle. Il a présumé que ses gestes étaient les bienvenus, interprétant l’assentiment de la gendarme R.M. et ses rires de malaise comme des indicateurs de son état d’esprit. Présumer qu’une collègue apprécie les comportements sexualisés n’a pas sa place dans la société et le lieu de travail modernes. Comme il est énoncé dans Foerderer[9], il incombe à celui ou à celle qui se comporte ainsi ou participe à un tel comportement de veiller à ce que les personnes visées y réagissent favorablement. Le sergent Nguyen avait l’obligation de s’assurer que sa conduite était bien reçue. Il s’est fié à des suppositions erronées fondées sur des idées stéréotypées désuètes. Il n’a pas mis à profit sa formation et n’a pas tenu compte des tentatives de la gendarme R.M. de le faire arrêter ses questions ni des tentatives d’autres membres de lui faire réaliser qu’il allait trop loin. Dans un événement lié au travail, le sergent Nguyen a utilisé la gendarme R.M. comme cible, elle qui était la seule femme et la membre ayant le moins d’ancienneté présente et, par conséquent, il a abusé de son pouvoir à titre de membre supérieur et de leader (une notion établie dans Deep Creek Store[10], soumise par les représentantes de l’autorité disciplinaire). De plus, la conduite du sergent Nguyen a dégradé l’environnement de travail de la gendarme R.M.

[107] Par ailleurs, les représentantes de l’autorité disciplinaire ont porté à mon attention une jurisprudence qui démontre qu’il est inapproprié pour un policier de faire des remarques désobligeantes et sexistes, qu’elles soient directement adressées à une personne ou indirectement entendues[11]. Donc si une personne n’est pas offensée – ou immédiatement offensée – par des remarques, cela ne les rend pas moins inappropriées. Pour être clair, je conclus que la gendarme R.M. a été offensée, mais j’estime qu’il convient de mentionner que ce n’est pas un élément essentiel quand on évalue objectivement le caractère inapproprié de la conduite du sergent Nguyen. Aux fins des éléments qui constituent du harcèlement sexuel, je conclus que les commentaires du sergent Nguyen étaient offensants et humiliants.

[108] Les commentaires et les gestes inappropriés, discourtois, grossiers et sexualisés du sergent Nguyen, même s’ils se voulaient drôles, sont la démonstration d’un grave manque de jugement et sont incompatibles avec les devoirs et les responsabilités d’un membre de la GRC, comme il est établi à l’article 37 de la Loi sur la GRC et dans les directives claires du commissaire concernant les conduites acceptables dans le lieu de travail.

[109] Je conclus que les commentaires et les gestes du sergent Nguyen étaient non seulement inappropriés, mais ils étaient aussi irrespectueux et complètement déplacés, surtout si l’on tient compte de son rôle de sergent et qui plus est, du fait qu’il était sergent d’état-major intérimaire au moment des événements.

[110] Je conclus qu’une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et des réalités du travail à la GRC en particulier, saurait ou devrait savoir que les mots ou commentaires prononcés par le sergent Nguyen étaient dénigrants, dégradants ou humiliants et susceptibles d’offenser ou de causer un préjudice et, en outre, qu’ils pouvaient constituer du harcèlement sexuel.

[111] Il est essentiel que les interactions des membres de la GRC, notamment avec les membres du public et avec leurs collègues, soient empreintes de respect et de professionnalisme, et qu’elles favorisent la confiance du public envers la police. Si le public n’espère pas la perfection, il s’attend à ce qu’un membre, qu’il soit en service ou non, se conduise de la manière la plus professionnelle qui soit quand il interagit avec le public et avec ses collègues.

[112] Le commissaire a souligné que le harcèlement en tout genre est inacceptable et ne sera pas toléré à la GRC. Le harcèlement dans le lieu de travail, tout particulièrement le harcèlement sexuel, représente l’un des pires problèmes organisationnels que la GRC a dû et doit encore affronter. Le harcèlement est grave et doit être traité rapidement et avec doigté. La GRC s’engage à offrir un milieu de travail sain, sûr et respectueux, exempt de discrimination et de harcèlement. Chaque employé a un rôle à jouer pour maintenir un environnement respectueux.

[113] Les principes juridiques qui gouvernent le harcèlement sexuel en tout genre ont considérablement évolué en très peu de temps, dans les lieux de travail en général et dans la police en particulier.

[114] Dans une récente décision disciplinaire, un autre comité de déontologie a souligné :

[183] Il n’y a aucune excuse, de nos jours, pour tolérer ce type de comportement dans un lieu de travail, et encore moins dans un détachement policier chargé de servir une communauté diversifiée avec respect et tolérance et sans jugement préconçu ou croyances [...]

[…]

[185] Il ne peut plus y avoir de tolérance ou d’acceptation à l’égard de ce type d’inconduite, qui brise la confiance des employés envers leur employeur, la GRC[12].

[115] Je conclus que le sergent Nguyen a répété ses commentaires même si on lui a recommandé d’arrêter, que ses commentaires consistaient à interroger la gendarme R.M. sur ses préférences sexuelles, et que celle-ci s’est sentie offensée, embarrassée et humiliée. Ses commentaires étaient sans conteste grossiers, de nature sexuelle, inappropriés et discourtois, et ils correspondaient à du harcèlement sexuel. Par conséquent, je conclus que l’allégation est fondée selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[116] Je constate que, dans leurs observations, les représentantes de l’autorité disciplinaire et le représentant du membre visé ont fait référence au Rapport de Ceyssens et de Childs.[13] Il a été souligné qu’il existe cinq principes qui servent de base pour établir une mesure disciplinaire appropriée[14].

[117] Le premier principe est que la détermination d’une sanction appropriée implique la recherche d’un équilibre entre l’intérêt du public, l’intérêt de la GRC en tant qu’employeur, l’intérêt du membre visé à être traité équitablement et l’intérêt des parties touchées par l’inconduite (dans ce cas-ci, la gendarme R.M.).

[118] Je mets plus spécifiquement en relief l’intérêt public, qui garantit une norme de conduite élevée dans la police et la confiance du public dans ce service.

[119] Les pouvoirs accordés à un policier sont considérables; le public est en droit de s’attendre à ce que les membres de la GRC respectent les normes éthiques et professionnelles les plus élevées.

[120] La Cour suprême du Canada a mis l’accent sur l’intérêt public en déclarant que « [l]es organismes disciplinaires ont pour objectifs de protéger le public, de réglementer leur profession respective et de préserver la confiance du public envers ces professions »[15].

[121] Le deuxième principe fondamental à appliquer dans l’établissement d’une mesure disciplinaire appropriée est que les mesures correctives doivent prévaloir, s’il y a lieu.

[122] Le troisième principe fondamental est la présomption voulant que la mesure la moins sévère possible soit retenue. Cependant, cette présomption est réfutée dans les cas où l’intérêt du public ou d’autres facteurs précis doivent prévaloir.

[123] Le quatrième principe est la proportionnalité. Ce principe est composé de trois éléments : 1) déterminer les considérations pertinentes relatives à la proportionnalité, 2) examiner si chacune de ces considérations est soit atténuante, soit aggravante soit neutre, et 3) trouver un juste équilibre entre elles (ou les pondérer).

[124] Enfin, le cinquième principe est qu’une norme de conduite plus élevée s’applique aux policiers, essentiellement parce qu’ils sont en position de confiance dans la société et sont conséquemment assujettis à la plus haute norme de moralité[16].

[125] Le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014), bien qu’il ne soit pas normatif, vise à promouvoir la parité des sanctions. Toutefois, comme l’ont avancé les représentantes de l’autorité disciplinaire, il a ses limites. En outre, il doit être lu dans le contexte des normes sociétales changeantes, comme elles sont établies par la jurisprudence, les politiques et la législation applicables.

[126] Par ailleurs, bien que je ne sois pas liée par les décisions antérieures relatives à la conduite, celles-ci peuvent fournir des indications concernant les sanctions appropriées pour une catégorie particulière de comportement.

Positions des parties

Observations des représentantes de l’autorité disciplinaire

[127] Comme mesure disciplinaire appropriée dans ce cas, les représentantes de l’autorité disciplinaire réitèrent que l’autorité disciplinaire cherche un moyen pour que le sergent Nguyen démissionne de la GRC. Elles soutiennent que son maintien en poste compromettrait la confiance du public dans la force policière et dans sa capacité à promouvoir un lieu de travail exempt de harcèlement.

[128] À l’appui de cette position, les représentantes de l’autorité disciplinaire ont énoncé les valeurs fondamentales renouvelées de la GRC et les façons dont le sergent Nguyen a échoué à les promouvoir.

[129] Les représentantes de l’autorité disciplinaire ont affirmé que le sergent Nguyen a reçu les outils requis pour être un bon gestionnaire et un bon leader. Il s’est vu confier les responsabilités inhérentes à un grade supérieur. Pourtant, malgré toute la formation qu’il a reçue et l’expérience qu’il a acquise dans son rôle, il a été incapable d’appliquer ses apprentissages et a abusé de son pouvoir. Les représentantes de l’autorité disciplinaire ont fait valoir que cela démontre que le sergent Nguyen n’avait pas de potentiel de réhabilitation.

[130] Les représentantes de l’autorité disciplinaire ont énoncé certains des facteurs que je devrais prendre en considération pour déterminer une mesure disciplinaire appropriée, à savoir la fréquence de l’inconduite, si le harcèlement est de nature sexuelle, si le comportement s’est poursuivi, si le membre visé a exploité une position d’autorité et l’effet que cela a eu sur la plaignante. Elles ont affirmé que les commentaires étaient persistants, que la plaignante était vulnérable vis-à-vis du sergent Nguyen, que celui-ci a abusé de son pouvoir et que l’effet sur la plaignante était grave.

[131] Les représentantes de l’autorité disciplinaire ont porté à mon attention la décision de la Cour du Banc du Roi de 2016 dans l’affaire Williams[17] où, entre autres choses, l’accusé a posé à la plaignante un certain nombre de questions personnelles inappropriées lors d’un événement social. Le comité a congédié le membre, soulignant que le fait que les gestes inappropriés avaient eu lieu devant du personnel subalterne était un facteur important, tout comme la confiance du public dans le service de police. Le membre avait la responsabilité particulière de veiller à ce que sa conduite soit exemplaire et de servir de modèle pour ses officiers subordonnés. En fait, le tribunal a conclu qu’un officier de haut rang doit subir des conséquences plus graves qu’un officier subalterne dans des circonstances similaires.

[132] Les représentantes de l’autorité disciplinaire invoquent la déclaration de la victime, la gendarme R.M., dans laquelle elle affirme que les gestes du sergent Nguyen ont fortement ébranlé sa confiance et sa sécurité dans le lieu de travail et ont produit de graves effets persistants sur sa santé mentale qui nuisent à son fonctionnement au quotidien. Elles me demandent aussi d’accorder un poids important à la déclaration de la victime.

[133] Comme il a été mentionné, les représentantes de l’autorité disciplinaire doutent que le sergent Nguyen ait présenté des remords sincères et de vraies excuses.

[134] Les représentantes de l’autorité disciplinaire affirment également que demander la démission du sergent Nguyen n’est pas une punition; c’est une reconnaissance du fait que la GRC se transforme en réaction et en conformité aux attentes du public ainsi qu’aux préoccupations croissantes relatives au harcèlement sexuel dans l’organisation.

[135] Les représentantes de l’autorité disciplinaire mentionnent la décision récente du comité de déontologie dans Reid et en particulier la notion que même en l’absence de contact physique, un comportement de harcèlement sexuel verbal est suffisant pour justifier le congédiement, surtout quand l’agresseur est en position de confiance et d’autorité, comme c’est le cas du sergent Nguyen. En outre, elles font remarquer que les victimes dans Reid ont fait état de lourdes conséquences, ce qui, toujours selon elles, est aussi le cas dans cette affaire.

[136] Enfin, les représentantes de l’autorité disciplinaire me dirigent vers une décision de la Cour supérieure de l’Ontario dans Fleming[18], qui traite du harcèlement sexuel qui empoisonne le lieu de travail et du devoir de l’employeur de protéger ses employés contre ce type de comportement. Cette affaire expose aussi certains des facteurs qui doivent être examinés dans l’évaluation des mesures. Il est stipulé qu’une pénalité devrait tenir compte de la fréquence et de la durée du harcèlement, de la nature de l’incident, de la politique sur le harcèlement sexuel de l’employeur et de sa communication aux employés, d’un avertissement ou d’une mise en garde concernant le comportement, de la relation entre le plaignant et le membre visé, de la position de pouvoir et d’autorité du membre ainsi que de l’impact et de l’effet cumulatif du comportement.

Observations du représentant du membre visé

[137] Le représentant du membre visé soutient qu’une sanction moins élevée qu’un congédiement est appropriée vu les faits dans cette affaire.

[138] Le représentant du membre visé énumère les mêmes facteurs à examiner que les représentantes de l’autorité disciplinaire, mais il conclut que le comportement en question n’était ni fréquent ni répété dans le temps. Il n’a pas contesté les effets de l’incident sur la plaignante, mais il rappelle que ce n’est que l’un des facteurs à prendre en considération.

[139] De même, il fait remarquer, quant au fait qu’on a demandé au sergent Nguyen de mettre fin à son comportement, que je dois reconnaître qu’il y a différents niveaux d’avertissements de cette nature. Dans Reid, le membre visé a été pris à part plusieurs fois au cours d’une année, peut- être plus, et s’est fait demander d’arrêter ses commentaires. En revanche, dans l’affaire qui nous occupe, tout l’incident s’est déroulé sur une courte période, en quelques minutes en fait, dans un événement social lors duquel le sergent Nguyen n’a pas entendu qu’on lui demandait d’arrêter et où personne ne l’a amené à l’écart sur le coup. Quand le sergent d’état-major Francis lui a parlé après les faits, le sergent Nguyen s’est senti immédiatement mal et a cherché à s’excuser et à changer son comportement.

[140] De plus, en ce qui concerne les faits dans Reid, le représentant du membre visé fait remarquer que le cas présent ne porte pas sur des commentaires ciblés, cruels et méprisants comme dans Reid et qu’il n’est pas non plus question ici d’une persistance des commentaires sur une période de 18 mois. Il établit aussi une distinction quant aux faits que renferment les décisions Calandrini[19], Fleming et Williams invoquées par les représentantes de l’autorité disciplinaire, puisqu’il n’y a pas de composante physique aux gestes du sergent Nguyen et qu’il n’a fait à la gendarme R.M. aucune proposition, contrairement aux membres visés dans les cas susmentionnés.

[141] Le représentant du membre visé présente six autres décisions disciplinaires antérieures et la décision Foerderer. Foerderer conclut que le harcèlement sexuel existe dans un spectre avec un contact physique non consensuel à l’extrémité la plus grave et avec des formes moins graves de harcèlement, par exemple des remarques à caractère sexuel, des blagues grossières et ainsi que des paroles et des gestes suggestifs, à l’autre extrémité.

[142] Dans la décision du comité de déontologie dans Allen[20], le membre avait assisté à une fête de Noël en dehors des heures de service où de l’alcool avait été consommé; il a mis sa main dans le pantalon d’une collègue, sous ses sous-vêtements, pendant qu’elle vomissait et qu’il l’aidait. Dans cette affaire, le membre n’avait aucun souvenir de l’événement à cause de son niveau d’ébriété. Le comité de déontologie a imposé une réprimande, une suppression de 30 jours de paye, l’inadmissibilité à une promotion pendant une période de deux ans et l’ordre de consulter pour sa consommation excessive d’alcool. Le représentant du membre visé souligne tout spécialement le fait que ce membre, à l’instar du sergent Nguyen, n’avait aucun antécédent disciplinaire et avait un dossier professionnel supérieur à la moyenne. Il a ajouté que les gestes dans Allen impliquaient aussi des attouchements, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.

[143] Dans Calandrini, le harcèlement sexuel dans le lieu de travail a été établi, le membre visé ayant empoigné les fesses d’une collègue et fait des remarques sexuelles. Le représentant du membre visé me demande de tenir compte du fait que ces gestes se sont déroulés sur une certaine période et impliquait des attouchements. En outre, dans cette affaire, on savait généralement dans le lieu de travail que la plaignante souffrait d’une aversion aux contacts physiques. La mesure disciplinaire était le congédiement, et le représentant du membre visé me demande de faire la distinction entre les deux cas pour ce motif.

[144] Le représentant du membre visé invoque aussi la décision d’appel du commissaire dans Caram[21]. Dans ce cas, le comité de déontologie n’a pas conclu à du harcèlement, et le membre a été sanctionné par la suppression de 45 jours de paye, un ordre de mutation et un ordre de poursuivre une psychothérapie. En appel, il a été soutenu que la conduite du membre visé correspondait à du harcèlement sexuel. Le commissaire a conclu que c’était bien le cas et a augmenté le nombre de jours de suppression de la paye. Par conséquent, le représentant du membre visé souligne que même avec la conclusion de harcèlement sexuel, le membre n’a pas été congédié.

[145] Ensuite, le représentant du membre visé invoque la décision du comité de déontologie dans Little[22]. Alors qu’il était en service, le membre visé a fait des commentaires sexuels inappropriés à un autre membre et lui a touché la cuisse sans son consentement. À une autre occasion, il a empoigné les organes génitaux de l’autre membre sans son consentement. Les deux allégations ont été jugées fondées, et une suppression de 20 jours et de 10 jours de paye a été ordonnée, avec l’inadmissibilité à une promotion pendant une période de 2 ans, l’ordre de travailler sous étroite supervision pendant 1 an et une restriction des lieux de travail, de sorte que le membre visé ne travaille pas avec le plaignant.

[146] Une autre décision d’appel mentionnée par le représentant du membre visé est Pulsifer[23], tranchée par le commissaire en 2022. Le comité de déontologie a jugé fondées deux allégations en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, concernant un incident qui s’est produit à un événement de renforcement de l’esprit d’équipe dans un pub, et a établi et imposé un total de 35 jours de suppression de la paye, l’inadmissibilité à une promotion pendant une période de 2 ans et l’ordre de consulter. Les gestes dans ce cas impliquaient des contacts physiques sans consentement sous le chandail de deux autres membres. Le commissaire a maintenu la décision du comité de déontologie.

[147] Enfin, le représentant du membre visé attire mon attention sur la décision de 2020 du comité de déontologie dans Weatherdon[24], qui portait sur une seule allégation en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie. L’inconduite impliquait des attouchements non consensuels et des avances sexuelles indésirées à un événement lié au G7. Une proposition conjointe dans cette affaire a donné lieu à la rétrogradation du membre visé pour une période de deux ans et une mutation à des fonctions policières générales.

[148] Dans tous les dossiers disciplinaires susmentionnés sauf un (Calandrini; le représentant du membre visé demande qu’une distinction soit établie quant aux faits qu’il renferme, comme je l’ai déjà mentionné), le congédiement n’a pas été ordonné. En outre, le représentant du membre visé me demande d’examiner les faits dans ces affaires avec leurs sanctions respectives pour parvenir à la conclusion que le congédiement n’est pas non plus justifié pour le sergent Nguyen.

[149] Dans l’établissement d’une mesure disciplinaire appropriée, le représentant du membre visé souligne que les mesures doivent être correctives, s’il y a lieu, et que la présomption voulant que la mesure la moins sévère soit retenue doit être imposée.

[150] Le représentant du membre visé propose les facteurs atténuants suivants :

  1. le sergent Nguyen a assumé la responsabilité de ses actes;
  2. il a présenté des excuses sincères et éprouve des remords, ce que le représentant du membre visé étaye avec la déclaration du sergent d’état-major Francis concernant son état émotionnel fragile le lendemain de l’incident;
  3. il a un excellent dossier professionnel et s’est montré apte à assumer des fonctions policières;
  4. il souffrait de problèmes émotionnels non diagnostiqués au moment de l’incident et subissait un grand stress;
  5. il a reçu 32 lettres de soutien qui laissent entendre que son comportement était contraire à son comportement habituel et qu’il est un membre très respecté;
  6. il a un bon potentiel de réhabilitation, car il reconnaît que son comportement était inapproprié, a exprimé des remords et a pris des mesures pour travailler sur ses stratégies d’adaptation;
  7. les commentaires ont été faits lors d’un seul et même incident et ne correspondaient pas au comportement habituel du sergent Nguyen.

[151] Le représentant du membre visé conclut en affirmant que lorsque l’on tient compte des principes fondamentaux pour établir une mesure disciplinaire appropriée, des décisions antérieures semblables de comités de déontologie et des facteurs atténuants dans le cas présent, la mesure disciplinaire appropriée est une suppression de la paye quelque part dans la fourchette de 20 à 45 jours.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[152] Je commencerai mon analyse en énonçant la gamme de mesures appropriées, puis j’examinerai les considérations pertinentes atténuantes, aggravantes et neutres. Enfin, j’expliquerai la façon dont j’ai soupesé ces facteurs en tenant compte des intérêts du public, de la GRC, du membre visé et des plaignants pour parvenir à ma décision.

Gamme des mesures disciplinaires

[153] En ce qui concerne la gamme appropriée des mesures disciplinaires, j’ai pris en considération les arguments avancés par les parties ainsi que les cas présentés pour étayer leur position. Je conclus que la gamme appropriée pour une sanction dans le cas présent, un cas de harcèlement sexuel, sera la gamme pour les cas graves, à savoir une suppression d’au moins 20 jours de paye, en combinaison avec d’autres mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

Facteurs atténuants

[154] Selon le Black’s Law Dictionary (11e éd. 2019), je note que les facteurs atténuants ne constituent ni une justification ni une excuse pour l’inconduite d’un membre, mais, en toute équité, ils doivent être pris en considération pour réduire la gravité de la sanction imposée afin de bien traiter l’inconduite.

[155] J’estime atténuant le fait que le sergent Nguyen n’ait jamais fait l’objet de mesures disciplinaires et n’ait jamais reçu de mentions négatives dans ses évaluations du rendement. Je constate un seul commentaire mineur formulé au printemps 2011[25], qui indique qu’il avait été réticent à accepter les ordres d’un sous-officier de la police régionale de Peel avec lequel il travaillait sur une opération conjointe à l’époque. Cependant, cet incident a été traité comme des divergences dans les méthodes de travail et les styles de gestion, et rien n’indique que le problème se soit aggravé. Aucune autre évaluation du rendement ne fait état d’un problème similaire, et ce problème n’est pas comparable à l’incident devant moi.

[156] Comme en témoignent les nombreuses lettres de recommandation fournies par le sergent Nguyen, il est considéré comme un membre expérimenté et bien formé qui possède une bonne éthique de travail et est passionné par le métier de policier. De plus, il est mentionné dans les lettres que l’inconduite en question ne correspond pas au comportement habituel du sergent Nguyen.

[157] Je remarque que dans les 32 lettres, sauf quelques-unes, les auteurs paraissent au courant des allégations à l’endroit du sergent Nguyen dans cette affaire. Cela renforce le poids de ces opinions. Cela dit, dans plusieurs lettres, il est aussi question de la façon dont le sergent Nguyen incarne les valeurs fondamentales de la GRC et du fait qu’il n’a pu faire les commentaires qu’il a faits. Je n’accorde aucune valeur à ces affirmations, puisque j’ai déjà conclu qu’il a bel et bien affiché le comportement inapproprié en question.

[158] Je note tout particulièrement la lettre de recommandation écrite par le sergent Christopher Hung pour sa description complète de l’éthique de travail du sergent Nguyen, des différents rôles qu’il a occupés dans la GRC ainsi que de son dévouement et de son potentiel constant. De même, j’apprécie les mots du sergent Dimitri Malakhov, car il a approfondi les éléments particuliers de l’allégation dans cette affaire et a pleinement reconnu la gravité de l’inconduite du sergent Nguyen du 28 juillet 2021. J’ai accordé un poids considérable à ces deux lettres et j’estime qu’elles représentent un important facteur atténuant.

[159] Il ne fait aucun doute que le sergent Nguyen bénéficie du soutien de ses pairs, des membres de différents grades et de personnes de diverses catégories d’employés et d’organismes partenaires. Je reconnais que le comportement affiché ne correspondait pas au comportement habituel du sergent Nguyen et que cela constitue un facteur atténuant.

[160] Le représentant du membre visé fait valoir que le fait que le sergent Nguyen assume la responsabilité de ses actes, qu’il a admis que ses commentaires étaient inappropriés et qu’il a reconnu son inconduite constitue une circonstance atténuante. J’accepte son argument à cet égard.

[161] En outre, le sergent Nguyen s’est excusé au sergent S.H. et à la gendarme R.M., qui ont souffert de son harcèlement sexuel. Le représentant du membre visé affirme que les excuses présentées à la gendarme R.M. étaient complètes et montraient des remords. En comparaison, les représentantes de l’autorité disciplinaire mettent en doute la sincérité et la profondeur des excuses.

[162] J’ai trouvé que le sergent Nguyen était sincère dans ses remords quand il a témoigné devant moi et je conclus que ses excuses représentent une reconnaissance que son comportement était totalement inacceptable. Il s’agit là d’une circonstance atténuante.

[163] Le représentant du membre visé fait valoir comme facteur atténuant supplémentaire le fait que le sergent Nguyen démontre un bon potentiel de réhabilitation et qu’il y a très peu de chances qu’il agisse à nouveau de la sorte à l’avenir. Il se fonde sur le fait que le sergent Nguyen a démontré qu’il comprend ses actes répréhensibles, a reconnu dès le début que ses commentaires étaient inappropriés et s’est adressé à la gendarme R.M. et au sergent S.H. pour leur présenter ses excuses comme une très bonne indication de son potentiel de réhabilitation.

[164] Je note que le sergent Nguyen a déclaré qu’il a réfléchi à ses gestes. Il a commencé à le faire tout de suite après l’événement en question et est parvenu à la conclusion qu’il devait s’excuser. De plus, il s’est excusé dès la première occasion, se présentant au Détachement le lendemain de l’incident alors qu’il devait être en congé. Il a aussi déclaré qu’il réfléchit à son comportement depuis le commencement de ce processus disciplinaire, qu’il reconnaît la gravité de la situation et qu’il a demandé de l’aide pour faire face aux facteurs de stress dans sa vie.

[165] Le fait que le sergent Nguyen ait reconnu avoir échoué dans son rôle et ses responsabilités à titre de sergent et de sergent d’état-major intérimaire et ait reconnu que ses commentaires étaient complètement déplacés, inappropriés et offensants m’amène à croire qu’il a montré un potentiel de réhabilitation. De plus, comme il a déjà été mentionné, son comportement le 28 juillet 2021 ne correspondait pas à son comportement habituel. Le langage qu’il a utilisé s’est limité à l’incident de ce jour-là et n’est pas la norme dans ses interactions avec les autres en général ou avec la gendarme R.M. en particulier. Cela aussi montre que le risque de récidive est faible. Par conséquent, j’admets qu’il a un potentiel de réhabilitation et que c’est un facteur atténuant.

[166] Enfin, le représentant du membre visé affirme que le trouble et l’anxiété non diagnostiqués du sergent Nguyen au moment de l’incident ont contribué à son comportement et devraient être considérés comme un facteur atténuant. À ce sujet, je suis d’accord avec l’argument des représentantes de l’autorité disciplinaire selon lequel la mise à jour du rapport médical d’une seule page donne peu d’information sur la personne qui l’a rédigé, sur ce que peut être le diagnostic ou sur la période pendant laquelle le sergent Nguyen pourrait avoir été affecté par ces conditions médicales. Je ne doute pas que le sergent Nguyen devait composer avec différents facteurs de stress dans sa vie, mais je n’ai pas reçu d’éléments de preuve qui me permettraient de conclure qu’il souffrait de troubles de santé mentale précis ou que cela a influencé sa conduite le 28 juillet 2021. Par conséquent, j’estime que ce facteur est neutre.

Facteurs aggravants

[167] Je note que, conformément au Black’s Law Dictionary (11e éd. 2019), les facteurs aggravants correspondent à toutes les circonstances entourant la commission de l’inconduite qui font croître la culpabilité ou la gravité et ajoutent aux conséquences préjudiciables.

[168] Je commence par la gravité de l’inconduite. Le sergent Nguyen a près de 20 années de service et a reçu une formation approfondie entre 2005 et 2021 sur la création et le maintien d’un lieu de travail respectueux. Comme l’ont affirmé les représentantes de l’autorité disciplinaire, le sergent Nguyen a reçu tous les outils requis par la GRC pour être un bon gestionnaire respectueux, mais il n’a pourtant pas réussi à appliquer ses apprentissages le 28 juillet 2021.

[169] Je note également qu’en ce qui concerne le harcèlement sexuel, il s’agissait d’une inconduite à l’endroit d’une jeune membre subalterne qui était la seule femme présente au moment où les commentaires lui ont été adressés, ce qui ajoute à la gravité.

[170] De plus, au moment de l’incident, le sergent Nguyen était un sous-officier, un sergent, occupant le poste de sergent d’état-major intérimaire. Comme j’en ai discuté dans mon analyse de l’allégation, il était en position d’autorité et aurait dû être un modèle qui montre ce qui est approprié au Détachement de l’aéroport de Toronto. En d’autres mots, il aurait dû faire preuve de plus de discernement.

[171] Je souscris aux observations formulées dans la décision Williams soumise par les représentantes de l’autorité disciplinaire : le grade et l’ancienneté s’accompagnent de responsabilités. Le maintien de la confiance et du respect du public envers les services de police signifie que les officiers supérieurs doivent faire face à des conséquences plus strictes ou plus sévères que les policiers subalternes dans des circonstances similaires.

[172] En outre, cette inconduite a eu des effets psychologiques et émotionnels néfastes et durables sur la plaignante. J’ai entendu la gendarme R.M. durant la phase relative aux allégations à ce sujet et j’ai examiné sa déclaration écrite de victime, qui traite plus en profondeur du déclin de sa santé mentale qu’elle a vécu à la suite du harcèlement sexuel.

[173] En conséquence de cet incident, la gendarme R.M. voit les membres de la GRC plus négativement. Elle s’est sentie blessée et bafouée par les commentaires à caractère sexuel du sergent Nguyen. Elle doute d’elle-même et de ses émotions et se bat au quotidien contre des séquelles psychologiques.

[174] Enfin, j’ajoute que même si je ne conclus pas que la consommation d’alcool est un facteur aggravant, le sergent Nguyen était sous l’influence de l’alcool, ce qui a contribué à sa conduite inappropriée lors de l’événement en question.

Analyse

[175] Dans la pondération des facteurs de proportionnalité susmentionnés, je reconnais qu’il y a la présomption voulant que la mesure la moins sévère soit retenue, à moins que l’intérêt public ne l’emporte.

[176] De plus, je note que la dissuasion est particulièrement importante dans ce cas, non seulement pour mettre en garde les autres membres, mais aussi pour garantir que ce comportement inapproprié et inacceptable ne soit pas répété par le sergent Nguyen. Comme les représentantes de l’autorité disciplinaire l’ont soutenu, le besoin de moyens de dissuasion spécifiques devient encore plus grand quand le contrevenant est une personne en position de confiance et d’autorité, comme l’était le sergent Nguyen au moment des faits.

[177] L’inconduite du sergent Nguyen est grave et nuit directement à la relation employeur- employé ainsi qu’à l’attente du public à l’égard des interactions entre les policiers et les membres de la société et entre policiers. Comme l’a fait remarquer le comité de déontologie dans la récente décision Reid, ce type d’inconduite ruine et met en péril les efforts que la GRC a déployés pour offrir un lieu de travail sécuritaire, sûr et exempt de harcèlement à ses employés.

[178] Des mesures majeures sont requises vu le caractère sexuel et la gravité de l’infraction, la position d’autorité du sergent Nguyen et les effets profonds que ses gestes ont eus sur la gendarme R.M.

[179] Lorsque je soupèse ces facteurs et les éléments atténuants, au premier plan les remords du sergent Nguyen, le fait de ses gestes n’étaient pas le reflet de son comportement habituel, le fait que ses commentaires ont été formulés durant un seul événement (et non sur une certaine période), son dossier de membre exemplaire et son potentiel de réhabilitation, je conclus que la présomption voulant que la mesure la moins sévère soit retenue a lieu d’être. Par conséquent, je conclus que le congédiement demandé par l’autorité disciplinaire est disproportionné par rapport à la gravité de la conduite du sergent Nguyen.

[180] Néanmoins, afin de préserver la confiance du public et de répondre adéquatement aux intérêts de la plaignante, des mesures associées aux cas graves sont justifiées.

[181] Comme je l’ai écrit précédemment, ce domaine d’inconduite a beaucoup évolué sur une courte période. Alors que la jurisprudence et les décisions antérieures de comités de déontologie présentée ajoutent à mon analyse et à mon examen, à l’exception de la décision Reid, elles datent de quelques années et je dois tenir compte de l’évolution de la situation quand il est question d’inconduite sexuelle.

[182] Qui plus est, l’intérêt du public exige que j’impose des mesures qui envoient un message clair et sans équivoque qui ont un effet dissuasif général et spécifique dans les affaires de harcèlement sexuel. Je dois aussi garder en tête que ce type d’inconduite ne peut plus être accepté ou toléré et, en même temps, je dois placer les faits particuliers de ce cas dans le spectre du harcèlement sexuel.

[183] Ayant conclu que l’allégation est fondée au sens de l’alinéa 45(4)c) de la Loi sur la GRC et que le comportement du sergent Nguyen est particulièrement incompatible avec celui d’un membre en position de leadership et d’autorité, j’impose les mesures disciplinaires suivantes en conformité avec le paragraphe 5(1) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014- 291 :

  1. une rétrogradation pour une période indéterminée du grade de sergent au grade de caporal (à l’échelon salarial le plus élevé);
  2. l’inadmissibilité à une promotion pendant une période de deux ans à partir de la date de ma décision de vive voix concernant les mesures disciplinaires, soit le 20 mars 2024.

CONCLUSION

[184] Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée dans les plus brefs délais, conformément à l’alinéa 23(1)b) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[185] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au sergent Nguyen, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

 

Sandra Weyand

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 RCS 1252, à la partie V [Janzen].

[2] Foerderer v Nova Chemicals Corporation, 2007 ABQB 349 (CanLII) [Foerderer], au paragraphe 94.

[3] Calgary City and CUPE, Local 709 (Schmaltz), 2017 CarswellAlta 308 [SCFP].

[4] R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, au paragraphe 65.

[5] Faryna c Chorney, (1952) 2 DLR 354, à la page 357.

[6] F. H. c. McDougall, 2008 CSC 53, au paragraphe 58.

[7] Cahier de divulgation des représentantes de l’autorité disciplinaire, onglet 13A –Déclaration du gendarme Schwarz, à la ligne 147.

[8] Cahier de divulgation des représentantes de l’autorité disciplinaire, onglet 14A –Déclaration du gendarme Sirbu, à la ligne 66.

[9] Foerderer, au paragraphe 108.

[10] Ms. K. v Deep Creek Store and another, 2021 BCHRT 158, au paragraphe 73.

[11] Lewin and Toronto Police Service, 2001 CanLII 56739 (ON CPC), au paragraphe 43.

[12] Commandant divisionnaire, Division nationale et Reid, 2023 DAD 13 [Reid], aux paragraphes 183 et 185.

[13] Ceyssens, Paul et Childs, Scott, Rapport à la Gendarmerie royale du Canada Phase I – Rapport final concernant les mesures disciplinaires et l’imposition de mesures disciplinaires en cas d’inconduite à caractère sexuel au titre de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, 24 février 2022 [Rapport de Ceyssens et de Childs].

[14] Rapport de Ceyssens et de Childs, aux pages 17 à 22.

[15] Law Society of Saskatchewan c Abrametz, 2022 CSC 29, au paragraphe 53.

[16] Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2008 CSC 48, aux paragraphes 33 et 86.

[17] Darren Williams and Police Appeals Tribunal, Commissioner of Police of the Metropolis, [2016] EWHC 2708 (QB) [Williams].

[18] Fleming v Ricoh Canada Inc., 2003 CanLII 2435 (ONSC) [Fleming].

[19] Commanding Officer, “National Headquarters” Division and Calandrini, 2018 DARD 10 [Calandrini].

[20] Commanding Officer, “H” Division and Allen, 2019 DAD 10 [Allen].

[21] Commandant divisionnaire, Division « E » et Caram, 2021 CAD 05 [Caram].

[22] Commandant divisionnaire, Division « E » et Little, 2020 CAD 1 [Little].

[23] Commandant divisionnaire, Division « H » et Pulsifer, 2022 CAD 06 [Pulsifer].

[24] Commandant divisionnaire, Division « K » et Weatherdon, 2020 CAD 16 [Weatherdon].

[25] Dossier d’emploi du sergent Nguyen (14 mars 2024), à la page 69.

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